Ciné : Dieumerci !

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Rencontre au Pathé place de Loire avec l'équipe du film « Dieumerci ! », long-métrage rempli de sincérité. Lucien Jean-Baptiste et Baptiste Lecaplain ont séduit les Orléanais à coup d’humour.

Culture

Ciné : Dieumerci !

Comment est né ce film ?

Lucien Jean-Baptiste (réalisateur, scénariste et acteur) : Un producteur que je connais depuis longtemps m’a fait lire un scénario baptisé « Intérim ». J’aimais bien l’histoire mais jouer un immigré  Africain, ce n’est pas mon truc, je ne sais pas faire. Certains aspects du personnage me faisaient penser à mon parcours de vie : j’ai travaillé dix ans dans la pub, à 30 ans, j’ai vécu un drame et j’ai décidé de vivre mon rêve de gosse en devenant comédien. J’ai donc réécrit ce scénario, en utilisant deux ou trois situations et en ajoutant dans le reste mon propre vécu, mon histoire, ma sensibilité.

 Baptiste Lecaplain (acteur) : Je tournais « Nous York » quand le producteur - qui a la faculté de sentir les rencontres et les duos d’acteur - m’a fait lire « Intérim » en me précisant que Lucien retravaillait l’histoire pour l’adapter à sa sauce. Et j’ai adoré le résultat, j’ai été emballé. Il y a plus de vécu, plus d’âme. Lucien est venu me voir jouer au Bataclan mais ce soir-là, on ne s’est pas rencontrés physiquement. La vraie rencontre a eu lieu à Venise. Une histoire d’amour était née (rires) ! On a fait des séances de travail à Paris et Lucien m’a dit : « Ce sera toi » !

Lucien Jean-Baptiste : Faire le film ensuite a été une sacrée péripétie. Pendant deux ans, on ne trouvait pas de financements. On m’a même dit de prendre un autre acteur, que Baptiste n’était pas « bankable ». Mais toute l’équipe voulait Baptiste ! Et finalement, on a réussi à monter le film avec un petit budget. Et nous voilà !

 

Lucien, vous avez toutes les casquettes dans ce film, acteur, scénariste et réalisateur, pas trop schizophrénique ?

Lucien Jean-Baptiste : Si complètement ! C’est une belle adrénaline mais aussi une sensation d’être tout le temps au bord du plongeoir. A mon sens, cela ne peut se faire que quand tu as une bonne équipe. Ce qui a été le cas sur « Dieumerci ». Il faut avoir des acteurs comme Baptiste, humains, sans caprice, qui jouent le jeu. C’est un plaisir étrange de jouer et réaliser à la fois. Forcément tu ne profites pas à 100% de chaque facette. Cela crée un drôle de sentiment, on se bagarre sans cesse, on en tire de l’énergie.

Un des sujets du film est le théâtre, représenté avec beaucoup de justesse et d’amour.

Lucien Jean-Baptiste : Mon personnage intègre une école de théâtre, le Cour Ventura. Cela s’inspire de mon parcours au Cours Florent. Les personnages existent, c’est pour cela qu’il y a cette véracité dans le film. J’ai rencontré dans les cours, sortes de boîtes à bac mais version théâtre, ces jeunes errants, plutôt fortunés, en quête de théâtre. Certains sont là sans trop savoir pourquoi, comme le personnage de Clément que joue Baptiste, ils se font une idée, ils tentent. D’autres au contraire sont motivés et préparent le Conservatoire.

J’adore le théâtre. Pour moi, c’est la vraie place d’un acteur, la scène. Tous les soirs, devant un public, ce rapport direct. C’est quelque chose qui transpire dans le film.

Baptiste Lecaplain : C’est totalement différent du cinéma. La scène procure une sensation indescriptible. C’est un shoot d’adrénaline, comme une drogue. Cette fibre du théâtre, Lucien a ça en lui, cela se ressent dans son film. C’est à la fois une déclaration d’amour au théâtre, mais aussi au cinéma car c’est truffé de références à des films, comme « Apolocalypse Now » ou « La Haine », à des réalisateurs comme Tarantino… Plein de clins d’œil que les plus cinéphiles identifieront.

 

Baptiste, votre personnage est très intéressant car vous passez de la comédie à des moments plus dramatiques.

Baptiste Lecaplain : C’est le rôle le plus complet, le plus travaillé, que j’ai eu à interpréter jusqu’à présent. C’est la raison pour laquelle je fais du cinéma, pour incarner ce style de personnages qui n’ont rien à voir avec qui je suis dans la vie. J’ai tout de suite vu l’ampleur, le corps du personnage à la lecture du scénario, et comment le matérialiser. Ce qui est passionnant avec Clément, c’est son évolution au fil de l’histoire. Au départ, c’est un jeune gars qui ne sait pas trop qui il est, qui veut couper les ponts avec son environnement familial. Il se repose beaucoup sur ses acquis sociaux. Mais il est généreux et se trouve, finalement, lorsqu’il se lance dans une quête pour aider Dieumerci.

Nous avons dû beaucoup travailler et répéter avec Lucien Jean-Baptiste. Clément est dans une école de théâtre et moi je n’ai jamais pris de cours de théâtre de ma vie. Lucien m’a appris les bases, cela a été beaucoup de boulot. J’ai de plus en plus envie d’avoir des rôles approfondis comme celui-ci, ou à « contre-emploi » même si je n’aime pas ce terme. Je n’ai pas besoin qu’on me propose des rôles humoristiques, à gags. Ceux-là, je me les écris moi-même (sourire). J’ai envie de jouer et d’apprendre le métier de comédien encore et encore. Cela me permet aussi de revenir avec un nouveau plaisir à la scène quand je repars en tournée.

Lucien Jean-Baptiste : J’ai eu la chance de travailler sur ce film avec des gens talentueux. Souvent dans notre industrie, on ne laisse pas toujours la place aux jeunes talents. On a tendance à user les gens célèbres à l’infini. J’avais l’impression qu’il était de ma responsabilité d’aller chercher des jeunes super forts, d’enrichir mon casting avec des acteurs talentueux et plein d’envie, comme Delphine Théodore. Et j’ai donné pas mal d’espaces de liberté à Baptiste sur le film, des moments d’humour jouissifs comme la scène du kébab où je l’ai laissé perdre le contrôle. La blague sur « La Vie d’Adèle »,  c’est lui qui l’a trouvée. C’est cela pour moi faire du cinéma, c’est s’enrichir de l’autre.

Propos recueillis par Emilie Cuchet

Photos : Jérôme Grelet

Sortie nationale le 9 mars 2016