Cinéma : rencontre avec Alex Lutz

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A l’occasion de l’avant-première de son film « Guy », au Pathé Loire le jeudi 5 juillet, nous avons rencontré Alex Lutz. Un auteur, réalisateur et acteur inspiré et inspirant.

Culture

Cinéma : rencontre avec Alex Lutz

Comment est née l’idée de ce film, aux antipodes de votre première réalisation, « Le talent de mes amis » qui parlait de la crise de la trentaine ?

Alex Lutz : J’avais envie de me sentir très libre avec l’objet de cinéma. C’est la forme qui a guidé l’histoire. Je me suis alors focalisé sur le faux documentaire de cinéma qui a une forme crédible. C’est en me mettant d’accord avec moi-même qu’est né Guy. Car j’avais ce besoin d’incarner un personnage plus fort en composition, c’est ce qui me passionne le plus au cinéma.

L’histoire de Guy et de ce fils illégitime s’est construite peu à peu, s’est cousue dans ma tête.

Vous incarnez un personnage de 72 ans. Votre vieillissement est incroyable et très réaliste. Cela a nécessité combien d’heures de maquillage ?

Alex Lutz : 4h30 de maquillage par jour pour faire les mains et le visage. Il ne fallait pas se planter là-dessus car cela aurait fait partir le film dans le gravier. Toute une équipe de maquilleurs a travaillé sur le film. Je leur ai demandé d’utiliser des transferts - plutôt que des prothèses - qui sont très fins pour les mains et les ras de cil. Cela donne une acuité au regard de Guy, un réalisme et une authenticité lors des plans très rapprochés. Mais après, il faut jouer en dessous, le maquillage ne suffit pas ! J’ai dû fabriquer mon personnage, pour finir par le connaître parfaitement. Au bout d’un moment, le travail d’acteur nourrit le masque et vice-versa.

Guy Jamet, chanteur de variété vieillissant, passe du ridicule au touchant dans ce film. Tout s’est joué dans l’écriture ?

Alex Lutz : oui dans l’écriture un peu comme dans un roman et dans la fabrication des personnages, Guy, et son fils illégitime qui est lui aussi un personnage central. On découvre Guy Jamet à travers son regard. Le personnage de Gauthier, journaliste, découvre une lettre à la mort de sa mère dans laquelle elle lui apprend qu’il est le fils illégitime du chanteur et qu’elle ne veut pas qu’il l’apprenne, que cela doit rester secret. Il décide de réaliser un documentaire sur Guy et arrive avec ses a priori, son blindage, son ironie. Pour lui, c’est un mec un peu ridicule. Mais le vieux lion ne se laisse pas faire et il lui jette à la figure : « apprend à me regarder autrement et rencontre moi vraiment ! ». Le regard de Gauthier, notre regard de spectateur, change. On devient l’œil de Gauthier qui nous fait voir Guy Jamet autrement, de manière émouvante. Guy nous prend le cœur, nous prend la main et on part avec lui. On se rend compte alors que le fils et le père ont plein de points communs : l’humour, le décalage, une certaine mélancolie. La filiation apparaît. Et malgré sa carrière de bluette, Guy est plus profond que ce qu’on imagine. 

Votre film est-il un hommage à la culture du divertissement ?

Alex Lutz : C’est surtout un hommage au public. C’est un film pour et avec le public. C’est une ode à la vie avec des thèmes qui me sont chers, la filiation, le temps qui passe. On m’a dit récemment que c’était un film de spectacle vivant. J’aime foncièrement cette idée. Moi qui suis un homme de scène, je suis heureux que Guy ait cette fibre-là.

La musique est au cœur de Guy. Un sacré challenge ?

Alex Lutz : J’ai travaillé avec deux compositeurs. Je leur ai demandé des tubes probables à différentes époques, les années 60, les années 80… Dans le film, je voulais que le public ait l’impression de vivre un concert quand Guy est en gala. J’ai travaillé sa voix à 20, 40, 60 ans, en la faisant baisser, en lui donnant des intonations différentes. Pour la partie chant, je me suis senti à l’aise car c’était essentiel pour être Guy Jamet. J’ai trouvé son grain, sa tessiture, en mettant une certaine adolescence dans sa voix. Au final, cela crée un Guy très réaliste, attachant et attachiant.

Vous vous êtes inspirés de chanteurs de variété pour créer Guy ?

Alex Lutz : Le but est que le public le fantasme, l’inscrive dans ses propres références en pensant à tel ou tel artiste. Mais moi j’ai essayé d’inventer un vrai Guy Jamet pour surtout pas que cela devienne un sketch ou que cela abîme l’unité du film.

Il y a des personnalités qui jouent leurs propres rôles dans Guy. Comment les avez-vous convaincus de participer au film ?

Alex Lutz : J’ai eu beaucoup de bol car j’ai eu les gens dont je rêvais. Michel Drucker est quelqu’un de très important dans mon cœur. C’est mon papa de télévision, je lui dois beaucoup. Je l’aurais mordu au mollet s’il avait refusé d’être dans mon film ! Ce qui est génial c’est qu’il m’a fait un vrai Michel Drucker. Pour conserver la fraîcheur et le côté accident du documentaire, je ne donnais pas tous les textes et Michel s’est fait des fiches comme pour une vraie interview. Cela rend la scène très réelle.

Pour la scène de répétition, je voulais Pascal Obispo ou Julien Clerc. Je leur ai couru après en même temps. Si les deux avaient été d’accord, je les aurais mis tous les deux dans le film. Obispo préfère voir les films qu’en faire. Julien Clerc a amené ce côté histoire d’amitié très crédible avec Guy. Il n’est pas dans le jugement de ce vieux chanteur qui est moins dans l’œil des médias mais continue à avoir des galas et du public.  

Vous êtes nouvellement installé sur Orléans. Heureux d’être Orléanais ?

Alex Lutz : Oui ! J’ai découvert le Loiret il y a quelques années et je venais en week-end m’y mettre au vert, au calme, avec ma famille, mes chevaux. Je trouve la région sympa et les gens aussi. Et puis s’est imposé l’envie de vivre à Orléans. Je suis un amoureux des villes moyennes. J’avais envie de calme, d’apaisement pour ma famille. Cela nous fait du bien. J’adore Paris, c’est important d’y être pour mon travail, mais c’est bien d’en divorcer de temps en temps !

Propos recueillis par Emilie Cuchet

En savoir plus 

Guy, comédie dramatique d’Alex Lutz

Avec Alex Lutz, Tom Dingler, Pascale Arbillot

Le pitch : A la mort de sa mère, Gauthier, un jeune journaliste, retrouve une lettre suggérant qu'il serait le fils illégitime de Guy Jamet, un artiste de variété française de 72 ans ayant eu son heure de gloire dans les années 70 avec un tube, "Caresse". Celui-ci est justement en train de sortir un album de reprises et de faire une tournée. Gauthier décide de le suivre, caméra au poing, dans sa vie quotidienne et ses concerts de province, pour en faire un portrait documentaire.