Johan Creten, un artiste dans la ville

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Quand un immense artiste joue avec le feu avec Orléans, cela donne une odyssée incroyable dans l’espace public et au musée des beaux-arts. Visite immersive !

Culture

Johan Creten, un artiste dans la ville

Le musée des beaux-arts invite pour sa deuxième exposition de sculptures monumentales l’artiste de renommée internationale Johan Creten à investir l’espace public et le musée. Une carte blanche dont le sculpteur s’est emparée avec passion, après avoir eu un vrai coup de cœur pour Orléans, son architecture et son histoire. Artiste aux mediums multiples, de la céramique au bronze en passant par le dessin, Johan Creten réunit quarante ans de production qui dessinent la trajectoire de son œuvre.

Il propose un parcours immersif foudroyant à travers la ville. Libre à chacun de partir, tel un explorateur, à la découverte de ses 11 sculptures monumentales disséminées dans l’espace public et de ses 73 dessins et 31 sculptures entamant un dialogue inédit avec le musée. Un labyrinthe artistique rempli de mystères, de secrets et de clés pour décoder l’âme d’un artiste libre par-dessus tout. Saurez-vous tirer le fil d’Ariane ?

Parc Louis-Pasteur

Début de la balade artistique au cœur de l’écrin de verdure très prisé à Orléans, proche des lycées et du MOBE. Imposante et majestueuse, La Grande Sauterelle est présentée pour la toute première fois. A la fois conte sur le cycle de la nature et autoportrait de jeunesse de l’artiste, symbole de vigueur et de jeunesse, la sculpture va vivre au rythme des quatre saisons. « Pluie, neige, soleil… Elle va tout connaître à Orléans, c’est une des merveilles de la sculpture d’avoir au-dessus ce ciel qui change, souligne Johan Creten. C’est aussi ce qui m’a plus dans le projet puisque les sculptures monumentales vont rester un an et demi à Orléans, vivre avec les Orléanais qui vont petit à petit apprendre à les connaître. »

A quelques pas de là, deux plus petites sculptures posées sur des abreuvoirs qui pourraient être des sarcophages, nichées entre les arbres, entament un dialogue avec les autres œuvres du parc, la nature. Il faut prendre le temps d’observer The Herring (Le Hareng) et La Colonne/De Zull, de les caresser, de tourner autour d’elles. Baignant dans la lumière, avec la cathédrale au loin, Le Cœur qui déborde,  présenté auparavant dans la crypte d’une abbaye cistercienne à Beaulieu, entre en résonnance avec la porte de l’ancienne église Saint-Samson qui marquait l’entrée principale du Cimetière Saint-Vincent. D’autres histoires se racontent entre les lignes. Une fusion entre l’art et l’histoire !

Rue Fernand Rabier, face à l'ESAD

Face à l’école supérieure d’art et de design, au musée et à la cathédrale, se dévoile La Mamma Morta, corps de femme qui a vécu et qui a probablement déjà enfanté, large buste meurtri loin de ceux idéalisés dans les sculptures antiques. Une carte du tendre et de la souffrance suggérant le temps qui passe qui va droit au cœur.

Arcades du musée des beaux-arts

Coup de foudre en vue avec cette sculpture incroyable, Why does Strange Fruit always look so sweet ? Un bronze patiné multicolore, partiellement doré à la feuille d’or, qui semble ondoyer dans la lumière telle une coulée d’or qui viendrait ensevelir l’homme représenté. Une œuvre énigmatique et ardente sortie d’une hallucination de l’artiste lors d’un voyage au Mexique. Souffrant d’une inflammation des amygdales, il voyait depuis sa fenêtre un dattier avec des grappes de dattes, qui, au gré des jours, pourrissaient et tombaient. La fièvre lui a alors donné l’impression que sa gorge était comme ce dattier. Cet étrange homme fruit semble retourner à la terre, mélange de douceur et de putréfaction, de beauté et de laideur.

Parvis de la Cathédrale

L’une des pièces maîtresses du parcours. Telle une gargouille posée devant cathédrale gothique pour éloigner les démons, La Chauve-Souris a trouvé son emplacement idéal après le Petit Palais à Paris, la Villa Médicis à Rome et une montagne en Suède ! En aménageant des marches, l’artiste permet que le public - et notamment les scolaires qui passent très souvent à cet endroit - puisse la chevaucher pour prendre de la hauteur et changer de regard sur ce qui nous entoure. Là encore avec cette sculpture, Johan Creten joue de la relation jour/nuit, de la lumière et de l’obscurité. Des mots cachés, des poèmes, sont gravés sous les ailes de la chauve-souris. Le jeu de piste se poursuit. A vous de jouer ! L’art est un terrain de jeu, ludique et renversant.

Jardin Auguste de St-Hilaire

Grandiose ! Un autre très grand moment de la visite immersive. Entre l'arbre à caramel, l'herbe à curry, le chèvrefeuille d'hiver, la chimonanthe ou encore la mélisse, La Mouche Morte -posée au milieu d’un nouveau jardin à Orléans qui portant le nom d’un botaniste orléanais - émerveille. Très présent dans l’imaginaire de l’artiste, faisant écho aussi bien aux natures mortes dans la peinture ancienne qu’à la putréfaction, l’insecte a bien évolué. « J’ai imaginé cette sculpture à la fin du Covid-19, alors que je réfléchissais à la fin de la vie telle que nous la connaissions, à la fin tout court », confie l’artiste. À présent, cette mouche ne dispose plus de pattes, mais de deux jambes humaines. Elle détient un large abdomen - tel un dôme ou une architecture - comme si elle était enceinte et se trouve allongée sur le dos. Affaiblie, « elle est morte ou juste morte de fatigue ». Œuvre à portée écologique, La Mouche Morte peut aussi bien nous parler de réchauffement climatique que de la finitude et de notre propre condition face aux problèmes de santé.

Square Abbé Desnoyers

Evoquant la mythologie, l’histoire, la médecine, Le Grand Vivisecteur, grande chouette grande chouette à la poitrine et au ventre ouvert, égaie la place située devant l’Hôtel Cabu – musée historique et archéologique de l’Orléans, à deux pas des bars et des restaurants, en plein centre ancien. Un dialogue entre les époques et les enjeux sociétaux saisissant. Deuxième œuvre « participative » avec La Chauve-Souris, la sculpture dispose d’un banc pour nous accueillir en son sein et renverser le regard.

Hôtel Cabu - Musée d'Histoire et d'Archéologie d'Orléans

Au cœur de la cour fermée de l’Hôtel Cabu, la plus petite des sculptures du parcours se laisse observer. Une œuvre chère au cœur de l’artiste, un homme recroquevillé sur lui, bouche ouverte et au dos rond. Nommée Sans titre, la sculpture - vieille âme - émeut et invite à la caresse de manière silencieuse telle une supplique. L’une des clés du parcours, elle peut évoquer les étapes intermédiaires de la pratique de l’artiste, passant par de nombreuses études et dessins que l’on peut retrouver de manière inédite dans le parcours des collections permanentes du musée des Beaux-Arts.

« La magie de la sculpture est de pouvoir transmettre des émotions, souligne l’artiste. L’art, cela parle de souvenirs, de beauté, de réflexion sur le monde. Il y a un côté sensoriel aussi, comme ici avec cette œuvre que l’on peut toucher et ressentir. »

Jardin de l’Hôtel Groslot

Encore une chouette, attribut de la déesse Athéna, symbole de clairvoyance, mais plus petite que sa grande sœur située à quelques centaines de mètres. Située non loin de l’Office de tourisme d’Orléans tel un clin d’œil, la sculpture Europa’s dream nous questionne, sans donner de réponse, sur notre monde et sur ce rêve d’Europe unifiée. Un temps propice à la méditation dans un cadre bucolique où l’on peut lire, pique-niquer, se reposer à côté d’une œuvre magistrale.

Le musée des beaux-arts

De l’autre côté du miroir, au musée, c’est le processus créatif de Johan Creten qui est dévoilé : dessins inédits et études préparatoires, en terre ou en bronze, qui ces quarante dernières années ont mené aux sculptures monumentales disséminées dans la ville. De l’infiniment petit à l’infiniment grand. Ou vice-versa. Pour la première fois, l’artiste ouvre ses cartons à dessins - longtemps restés la part intime de son œuvre - afin de révéler ses recherches, ses sources d’inspiration, ses obsessions. On retrouve certains de ses motifs récurrents comme les mouches et les sauterelles. A la rencontre du véritable Johan Creten.

« Jouer avec le feu », titre de l’exposition, renvoie aux techniques de la céramique et du bronze, au feu intérieur qui brûle dans l’artiste et aussi à la prise de risque, cette idée de danger. Mais ici, Johan Creten ne se brûle pas les ailes, bien au contraire, tant le foisonnement de sa pensée, mêlant les médiums, notamment ce dessin cathartique resté longtemps secret, est passionnant à voir. Dans ce puzzle artistique, ses pièces maîtresses comme les Gloires, Les Coqs ou Odore di Femmina dialoguent en toute liberté avec les collections du musée ; ses notes, ses aquarelles, des dessins jamais montrés sont comme autant de « pamphlets de pensées ». Le mariage parfait de l’art contemporain et de l’art ancien. Et la plongée dans la psyché d’un artiste, d’un homme, doux, rêveur, en état de grâce et à la poésie foudroyante.

Johan Creten. Jouer avec le Feu

Le Musée des Beaux-Arts d'Orléans invite pour sa deuxième exposition de sculptures monumentales le sculpteur de renommée internationale Johan Creten à investir l’espace public et le musée.

Musée des Beaux-Arts 

Jusqu’au 22 septembre 2024

73 dessins, 31 études préparatoires en terre et en bronze. Les quatre cabinets d’arts graphiques permettent d’entrer dans le processus créatif de Johan Creten.

Centre-ville d’Orléans

Jusqu’à l’été 2025

11 bronzes monumentaux au Jardin de l’Hôtel Groslot (Europa’s dream), Parc Louis-Pasteur (La Colonne, Le Cœur qui déborde, The Herring, La Sauterelle), Parvis de la cathédrale (La Chauve-souris), Parvis du Musée des beaux-arts, côté ESAD (La Mamma Morta), Arcades du musée des Beaux-Arts (Why does Strange Fruit always look so Sweet ?), Hôtel Cabu (Sans titre), Square Abbé Desnoyers (Le Grand Vivisecteur), Jardin Auguste Saint Hilaire (La Mouche Morte)

Et aussi :

Visite commentée le 20 avril à 11h, visite Johan Creten au Musée des beaux-arts le 20 avril à 14h, visite insolite le 25 avril à 18h30, visite en famille Les petites bêtes de Johan Creten le 20 avril à 16h30

Plus d'informations sur l’exposition :

Programmation culturelle,  localisation.... sur https://data.orleans-metropole.fr