Maurice Genevoix au Panthéon

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Le 11 novembre, Maurice Genevoix est entré au Panthéon. La reconnaissance de la nation à l’écrivain témoin de la grande guerre… et à tous ceux de 14.

Culture , Mémoire

Maurice Genevoix au Panthéon

Maurice Genevoix a rejoint les Grands Hommes et Grandes Femmes de la République au Panthéon, le 11 novembre, à l’occasion d’une cérémonie revue dans son format en raison du nouveau protocole sanitaire et retransmise sur France 2. L’hommage de la Nation à l’auteur de Ceux de 14 célébrera également l’ensemble de l’armée combattante, officiers et sans grades, civils appelés sous les drapeaux, militaires de carrière engagés dans les tranchées et femmes présentes sur le front.

Cette panthéonisation, initialement prévue en 2019, consacre le témoin de l’héroïsme des humbles, que Maurice Genevoix avait lui-même côtoyé sur le théâtre des combats comme le rappelle Julien Larere-Genevoix, son petits-fils, dans cet entretien. En effet, l’ancien interne au lycée Pothier et jeune normalien de 24 ans fut mobilisé le 2 août 1914, comme sous-lieutenant au 106e régiment d’infanterie de Chalons. Il connut, aux côtés de ses « frères » d’armes, les assauts, l’attente, la peur, le chaos au gré des lignes enfoncées, de la guerre de mouvement et du fatal enlisement sur la crête des Éparges. Le 25 avril 1915, Maurice Genevoix est blessé par trois balles allemandes au bras gauche et à la poitrine, avant d’être évacué et soigné dans des hôpitaux durant de longs mois.

À son retour dans le monde des vivants, l’auteur loirétain témoignera dans cinq récits autobiographiques rassemblés dans « Ceux de 14», de l’enfer du front, de la fraternité humaine et du courage au quotidien de ses compagnons de tranchées.

La panthéonisation de Maurice Genevoix est au cœur d’une série d’événements organisés également à Orléans, et redimensionnés bien sûr en raison des nouvelles contraintes sanitaires. 

    Maurice GENEVOIX et ORLEANS, Une longue histoire d’attachement et de fidélité

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    Entrevue avec Julien Larere-Genevoix

    Le petit-fils de Maurice Genevoix, avocat pénaliste, perpétue la mémoire de l’écrivain, auteur de Ceux de 14.

    À quelques jours de l’entrée au Panthéon de votre grand-père, comment vivez-vous l’événement ?

    En raison des conditions sanitaires actuelles, la cérémonie se déroulera dans une configuration adaptée mais la logistique vaut peu face à ce que représente l’instant, et je suis heureux de voir cet hommage, pour lequel je milite depuis sept années, enfin rendu.

    Que représente cette panthéonisation ?

    Dans notre esprit, nous vivons cet hommage comme celui rendu non pas à un héros de la guerre de 14, mais à un grand témoin du conflit et au porte-étendard d’hommes devenus « frères » qui, comme lui, ont connu le feu.

    Maurice Genevoix est mort en 1980, vous êtes né en 1981. Comment avez-vous fait sa connaissance ?

    Tout d’abord, par ma grand-mère qui m’a dit l’importance de l’écrivain. En lisant ses ouvrages pour la jeunesse, je voyais une exigence dans la langue, peu commune dans la littérature pour enfants. Puis ma mère m’a souvent confié sa chance d’avoir été élevée au monde par la grâce. Enfin, il y a eu ses œuvres et ses maisons, comme celle des Vernelles. Et, en 2012, à la mort de ma mère, en la cherchant à travers les écrits de mon grand- père pour me consoler, je l’ai aussi trouvé, lui.

    Que représente, encore aujourd’hui, Ceux de 14 ?

    Cette œuvre, qui n’est en aucun cas un livre de guerre sur la guerre, raconte l’histoire et la dimension particulière des hommes qui l'ont faite. Genevoix, acteur et témoin, prend délibérément le parti de mettre l’Homme au centre du récit, de montrer ses compagnons d’armes, dans toute leur humanité, leur jeunesse, face à la peur, la souffrance, l’horreur. Le message reste universel.

    Peut-on parler de vision humaniste ?

    Il y a en effet une forme d’humanisme, mais cela vaut aussi pour les ouvrages sur la nature car, lorsqu’il parle des animaux de la forêt, il parle des hommes que nous sommes.

    Comment définiriez-vous le style Genevoix ?

    Définir est toujours réducteur, mais je dirais qu’il a un style enchanteur, où la force de la vie demeure malgré tout et au-delà de tout. 

    Il y a le Genevoix auteur témoin de 14, le Genevoix auteur sur la nature, et, pourtant, Maurice Genevoix reste encore, pour beaucoup, inconnu. Pourquoi, selon vous ? 

    Mon grand-père était un Orléanais qui avait choisi de vivre une vie paisible et, même pendant sa fonction à l’Académie française et tous ses projets, il est resté un « honnête homme », comme on disait jadis. À l’instar d’autres auteurs, c’est vrai, il souffre de l’étiquette du régionaliste qui écrit sur la nature – une littérature qualifiée, évidemment à tort, de naïve.

    Justement, vous parlez d’un auteur écologiste avant l’heure.

    Je tiens beaucoup à cela car, à l’image des personnages de Ceux de 14 qui nous demandent des comptes, nous sommes redevables devant nos forêts, l’environnement, la faune… Ainsi, même si l’entrée au Panthéon honore l’auteur de la Grande Guerre, j’espère que son message de prudence et d’humilité face à la nature sera aussi mis en lumière.

    À LIRE

    • « Maurice Genevoix, du Val de Loire au Panthéon » a été réalisé dans le cadre de l’entrée au Panthéon de l’écrivain loirétain. Le premier volet retrace le parcours du soldat, son action de témoin écrivain, la genèse et l’impact de Ceux de 14, ouvrage référence sur la Grande Guerre.Il est doté d’une remarquable iconographie issue du fonds de la famille Genevoix et agrémenté, outre de textes d'Anne-Marie Royer-Pantin et d’autres auteurs choisis, de récits de Genevoix lui-même. La seconde partie a été éditée en mars 2015, dans le cadre des célébrations du Centenaire de la guerre de 1914-1918.
    • De Maurice Genevoix : Rémi des Rauches, Raboliot, Ceux de 14, Trente mille jours, La Dernière Harde, Bestiaire enchanté. Livres jeunesse : L’Écureuil du Bois-Bourru, Les Deux Lutins, L’Hirondelle qui fit le printemps.

    À VOIR ET À ÉCOUTER

    • Les expositions en hommage à Maurice Genevoix, proposées par la Mairie d’Orléans, sont visibles jusqu’au 31 décembre, sur les grilles de l’Hôtel Groslot (Maurice Genevoix et Orléans, une longue histoire d’attachement et de fidélité) et sur les places du Martroi, du Général de Gaulle et de Loire (Maurice Genevoix, du Val de Loire au Panthéon…). Vous pouvez en profiter dans le cadre des déplacements autorisés et dans le strict respect du protocole sanitaire.
    • Ces expositions font également l’objet d’une série de vidéos dans lesquelles l’auteure et conférencière orléanaise Anne-Marie Royer-Pantin nous invite à (re) découvrir divers lieux emblématiques et anecdotes liés à la vie et au parcours de Genevoix, du Val de Loire au Panthéon. De sa jeunesse au lycée Pothier, à son intervention à l’après-guerre pour la création de la Maison des Mutilés, de ses amitiés orléanaises, à son lien intime avec la nature, sans oublier son rôle de grand témoin de la Première Guerre mondiale… cette visite en ligne révèle les multiples visages de l’écrivain, de l’homme des arts et de ce passionné de l’humain
    • Vous pouvez également revoir (ci-dessous) la conférence diffusée le 30 octobre, au Musée des beaux-arts : « Maurice Genevoix, du Val de Loire au Panthéon, les figures d’un destin », par Anne-Marie Royer Pantin.


    Article et entrevue : Maryline Prévost.