Avant-première du film « Hommes au bord de la crise de nerfs »

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Venus présenter le film « Hommes au bord de la crise de nerfs » au Cinéma Pathé Loire, Audrey Dana et Michaël Gregorio ont donné une interview en toute intimité. Une parenthèse enchantée à cœur ouvert sur l’art, la vie, la nature.

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Avant-première du film « Hommes au bord de la crise de nerfs »

Audrey, vous êtes une enfant du pays !

Audrey Dana (réalisatrice) : Absolument. C’est à Orléans que j’ai fait mes années de lycée, que j’ai passé mon bac et commencé le théâtre. J’ai fait mes trois années de cursus d’art dramatique au Conservatoire d’Orléans, avec Nicole Mérouze, qui nous a quittés il n’y a pas si longtemps, et Jean-Claude Cotillard, alors directeur de l’établissement. J’ai obtenu le premier prix à la sortie du Conservatoire.
C’est la deuxième fois que je viens présenter un film à Orléans, à chaque fois j’insiste pour venir ici. C’est une ville vraiment charnière dans ma vie, la ville de Jeanne d’Arc avec qui j’ai un lien assez particulier, émotionnel. C’est quelque chose de revenir sur les traces d’une partie de son enfance et de son adolescence, de revenir grandie, plus mature. J’ai fait mes premiers spectacles ici en tant que metteur en scène. J’ai créé un spectacle « Court-circuit » au Conservatoire, sans savoir que j’étais déjà en train de semer les graines de la réalisatrice que j’allais devenir.

Comment vous est venue l’idée de ce scénario ? C’est un thème fort qui vous tient à cœur la réconciliation des sexes.

Audrey Dana (réalisatrice) : J’ai fait « Sous les jupes des filles »,  le portrait de onze femmes chacune dans leur univers qui à un moment se rencontraient. Un film très distrayant mais qui n’allait pas en profondeur dans le sujet. Je me suis dit que j’aimerais faire le pendant de « Sous les jupes des filles » au masculin, en creusant le sillon de l’égalité des sexes, de la réconciliation et de l’équilibre entre le féminin et le masculin. J’ai pensé que si j’avais cette galerie de personnages tous ensemble, du début jusqu’à la fin, je n’aurais pas cinq, six jours de tournage mais trente jours et que je pourrais rentrer en profondeur dans le sujet. Nous les filles très vite on peut être autour d’un café et puis se raconter et se livrer. C’est assez différent pour les garçons en règle générale. J’avais envie de cette exploration, d’aller au cœur. Cela aurait pu s’appeler « Le cœur des hommes » mais le titre était déjà pris et il n’y a pas de piscine dans ce film !

Michaël Gregorio (acteur) : Oui s’il s’était appelé « Hommes autour de la piscine », le film aurait été résolument différent (rires).

Que souhaitiez-vous apporter au niveau de la manière de filmer ces hommes ?

Audrey Dana (réalisatrice) : Un regard féminin ! On n’est que 3% de réalisatrices sur terre. Donc l’extrême majeure partie de ce qu’on voit c’est vraiment par des hommes. Une femme ne va pas forcément regarder les hommes de la même manière, moi j’avais envie de montrer les hommes comme on les a à la maison, comme on les connaît. Au final, ils sont vraiment comme nous. Je voulais filmer ça, montrer ça. Après, j’avais deux caméras que je laisser tourner en permanence et elles dansaient avec les acteurs que je laissais beaucoup improviser. J’ai été chercher l’intime, ces petites choses qui font qu’on tombe amoureuse en fait.

Le lieu du tournage dans le Vercors s’est imposé de lui-même ? 

Audrey Dana (réalisatrice) : La nature est un personnage ultra principal. C’est quand même elle qui soigne nos hommes. Au final dans l’histoire ce n’est pas le coach qui tient les rênes, c’est vraiment la nature. Le Vercors m’a semblé l’endroit idéal, c’est la terre des loups et le loup a son importance dans cette histoire. Il y a quelque chose de très organique, des forêts interminables, l’herbe, des centaines de crickets sous chacun de nos pas, les vautours. On est dans une faune. Il n’y a pas de réseau. Là-bas, on ne trichait pas. Et je remercie le ciel car on a eu une météo incroyable, avec des nuits à 15-16 degrés, pas un jour de pluie sauf le jour où il devait pleuvoir dans le film. Le lieu a été magique et nous a choisis. On en a besoin de cette nature !

Michaël, pourquoi le choix de ce film ? Est-ce justement la vulnérabilité de ces personnages masculins qui vous a attiré ?

Michaël Gregorio (acteur) : J’ai eu envie de faire ce film pour plein de raisons. Déjà pour Audrey, son énergie. On s’est rencontré fin 2016. J’ai passé des essais pour un projet d’Audrey qui finalement n’a pas vu le jour. Elle ne me connaissait pas en tant qu’artiste de music-hall, ne savait pas ce que je faisais sur scène, elle m’a vu au milieu de plein d’autres acteurs. J’ai passé deux-trois tours d’essai et j’ai été pris mais voilà le projet n’a pas vu le jour.

Assez vite, Audrey m’a envoyé le scénario de son nouveau film « Hommes au bord de la crise de nerf ». Au départ, elle m’a proposé le rôle du coach. Et je ne sais pas… A la lecture, je n’arrivais pas à me projeter. En revanche j’étais très touché par le scénario, et en particulier par le personnage de Noé, son humanité, et en même temps le fait que ce soit lui le plus violent alors qu’il représente l’homme moderne de la bande. Ce personnage me faisait du pied pendant toute la lecture. Après, j’ai appelé Audrey.

Audrey Dana : Oui un film se construit comme ça, par le dialogue, les échanges. On a changé le sexe du coach, proposé le rôle à Marina Hands. Et on a modifié le rôle de Noé en y apportant la dimension de la voix qui n’avait pas été écrite avant. Je me suis dit si c’est lui c’est dommage de ne pas avoir un moment où on l’entend chanter. Une fois que j’ai fait les essais avec Michaël, il était évident que j’allais tourner avec lui un jour et je ne comprenais pas pourquoi tous les réalisateurs ne l’avaient pas déjà fait. C’était une évidence.

Pourquoi avoir pris une femme finalement pour interpréter le rôle du coach ?

Audrey Dana : C’est mon producteur qui m’a soufflé l’idée. Et je me suis rendue compte que c’est ce que je voulais depuis le début. D’ailleurs, Michaël Gregorio pour moi représente l’homme moderne, celui qui est dans son équilibre féminin/masculin. Et c’est pour cela que je voulais lui proposer ce rôle- là. Au final mon souhait c’était d’écrire un film de femmes sur les hommes, filmé par une femme. Mais cela aurait purement intellectuel pour les spectateurs, si le coach avait été un homme. Mon regard se cachait déjà derrière ce personnage focal, d’où l’évidence de le transformer en femme. Cela a été libérateur, la révélation.

D’ailleurs le personnage de Noé est celui qui est le plus proche du coach, dans sa façon d’être ?

Audrey Dana : Exactement. On pourrait faire la suite du film et ce serait lui le nouveau coach. Il est déjà thérapeute puisqu’il soigne avec ses mains, il guérit. Je l’ai beaucoup dirigé comme ça et on a beaucoup travaillé comme ça.

Michaël Gregorio: Noé a cette douceur incroyable.

Comment avez-vous composé votre casting avec un Ramzy comme on ne l’a jamais vu par exemple ?

Audrey Dana : Ce qui est drôle c’est que tous à la base ne vont pas ensemble, ce sont des individualités. Ce casting est improbable sur le papier. Cela a été un mélange de mes désirs comme Michaël, Marina, FX Demaison, Ramzy, de belles âmes. Et puis, j’ai fait un travail avec un grand directeur de casting qui a eu des idées que je n’aurais jamais eues. L’addition de mes désirs et de ses idées a donné naissance à cette équipe de sept mecs très différents, qui n’auraient jamais été copains dans la vie à priori. Après cela s’est harmonisé, ils ont tous un point commun, ils viennent du théâtre, ils ont un sens de la troupe, de l’autre, du public. Ils improvisaient beaucoup, ce que moi j’adore. Tout le monde était sur le qui-vive. Le moteur continuait à tourner, cela oblige à une complicité. Et comme personne ne cherchait à tirer la couverture à lui, qu’il n’y avait pas d’égo mal placé, ça a roulé, aussi bien les acteurs entre eux, que les humains ! Il s’est passé de quelque chose de rare. Tout le monde avait sa place.

Michaël Gregorio : Cela transpire à l’écran, ce que l’on a vécu, ce que l’on a créé. Dès que la caméra s’arrêtait, on repartait sur des discussions, des improvisations. On a même créé des personnages qui n’avaient rien à voir avec le film. Ca partait dans tous les sens. Et comme il y avait des moments un peu difficiles physiquement, comme la scène où on est enterrés, on était dans le lâcher prise. On s’est bien trouvés et on a toujours ce lien. On a un groupe WhatsApp de « Gentleman Vercors Country Club » dans lequel on s’écrit beaucoup. On va se voir au théâtre, dans nos spectacles. On dîne tous ensemble. En plus, le tournage est fini depuis longtemps, le printemps 2019. Mais un truc s’est passé.

Il y a quelque chose qui est hyper pyramidal. Quand vous avez quelqu’un comme Audrey qui envoie cette énergie-là, c’est le fameux ruissellement. Cela rebondit sur toute l’équipe technique, la production, les acteurs. Cela nous donnait de la liberté, de l’écoute, de la bienveillance.  Tu te sens pousser des ailes et cela permet de s’approprier les personnages, de s’amuser aussi.

Audrey Dana : Il y a beaucoup d’amour sur mes tournages, car je crois que ce n’est que comme ça qu’on peut travailler au mieux. Moi j’ai été guidée par Claude Lelouch qui m’a fait tourner mon premier film. C’est comme cela qu’il travaille. C’est avec lui que je me suis le plus amusée.

Sur « Hommes au bord de la crise de nerfs », il y avait une équipe exceptionnelle. Il y avait une humanité et un amour qui circulaient constamment sur ce plateau, tout le monde faisait attention à tout le monde. Ce qui comptait c’était le groupe avant tout.

On pourrait penser que le film a été écrit pendant ou après le confinement mais ce n’est pas le cas ?

Audrey Dana : Non il a été écrit bien avant la crise sanitaire et tourné en 2019. Mais le film rappelle ce besoin de nature, d’air, de contacts.

Michaël Gregorio : C’est vrai que ce film prend une résonnance particulière. Le film a été terminé pendant le confinement et on avait notre attestation après le couvre-feu pour aller assister à la projection du film. On est allés au cinéma et on a découvert le film. C’était très étrange d’être à quatre ou cinq seuls dans une salle et de prendre cette nature sauvage sur grand écran en plein visage. On voyait ce monde d’avant, avec les câlins, les contacts. Un vrai bouleversement vu qu’on n’avait plus le droit d’aller au cinéma ni de faire des kilomètres pour retrouver cette nature et qu’il y avait la distance sanitaire… FX dit d’ailleurs que c’est un film sur le monde d’après tourné dans le monde d’avant !

Notre critique :

Un feel good movie sur une masculinité vulnérable et sensible qui met du baume au cœur et donne à voir des acteurs comme on les a rarement vus. Dans ce décor sauvage du Vercors où la nature a repris ses droits, la fraternité et l’entraide guérissent les bleus à l’âme. Belle surprise de ce long-métrage, Michaël Gregorio, dont la présence à l’écran fait du bien et la douceur transpire à chaque plan. Ce film thérapeutique, véritable bouffée d’air, montre qu’avec un peu d’effort et d’écoute, on peut s’harmoniser avec l’autre et avec la nature !

« Hommes au bord de la crise de nerfs »

Un film de Audrey Dana avec Marina Hands, Thierry Lhermitte, Ramzy Bedia, François-Xavier Demaison, Michaël Gregorio, Laurent Stocker.

Date de sortie : 25 mai 2022

Le pitch : Sept hommes, de 17 à 70 ans, que tout oppose, sinon d’être au bord de la crise de nerfs, se retrouvent embarqués dans une thérapie de groupe en pleine nature sauvage. Ce stage mystérieux, « exclusivement réservé aux hommes », est censé faire des miracles. Première surprise à leur arrivée : le coach est une femme ! Imprévisible et déroutante, elle va tout faire pour les aider à aller mieux. Avec ou sans leur consentement…