Avant-première La Guerre des Lulus

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Rencontre à cœur ouvert avec le réalisateur Yann Samuell, le comédien Alex Lutz et l’équipe du film, en visite au cinéma Pathé Orléans, le samedi 10 décembre. Des artistes intenses au service d’un long-métrage authentique et touchant.

Culture

Avant-première La Guerre des Lulus

11 ans après « La Guerre des boutons », on vous retrouve avec la nouvelle adaptation d’une bande dessinée, « La Guerre des Lulus », dans une histoire à hauteur d’enfants. Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ce  projet ?

Yann Samuell (réalisateur) : Quand le producteur du film m’a contacté en me disant : « j’ai une BD à te faire lire qui s’appelle La Guerre des Lulus », je lui ai un peu ri au nez en lui répondant du tac au tac : « tu sais très bien que je n’ai plus trop envie de faire des films avec des enfants - ce qui était faux - et puis quoi on change juste un mot dans le titre, je l’ai déjà fait ce film-là ! » Il a souri et m’a dit : « lis-le, on en reparle ! ». Je l’ai lu et effectivement j’ai été bouleversé par toutes les valeurs que véhicule la bande dessinée qui sont extrêmement contemporaines et par ces thèmes qui sont essentiels par les temps qui courent, comme le fait de tendre la main vers l’autre, de ne pas avoir peur des différences, d’abolir les frontières, de se construire ensemble et non pas les uns contre les autres. J’aimais aussi beaucoup l’idée de ces enfants qui, bien qu’orphelins et n’ayant rien au début de l’histoire, vont se construire au fur et à mesure alors que le monde est en train de se détruire. Ils vont s’épanouir et faire le chemin inverse du monde qui les entoure. C’est un film très porteur d’espoir. Et très drôle aussi !

Justement, est-ce que c’est compliqué de mêler l’humour à l’horreur de la guerre ?

Yann Samuell (réalisateur) : Moi je ne trouve pas. C’est pour cela que cette histoire ne pouvait être vue qu’à travers des yeux d’enfants. Ils ont cette résilience et cette capacité à se réinventer en permanence. On le constate dans le film, ils vivent des moments terribles et au bout de dix minutes quand ils en ont l’occasion, ils vont vouloir faire une bataille d’eau ou manger des glaces en courant dans le jardin. Ils ont cette capacité à saisir l’instant au moment où cela se présente.

Comment s’est fait le casting des enfants qui occupent une place prépondérante dans le film ?

Yann Samuell (réalisateur) : J’ai une équipe avec qui je travaille qui est spécialisée dans les castings d’enfants. J’ai passé le scénario à la directrice du casting et elle l’a adoré. Elle a passé une annonce et reçu 6000 candidatures !

Mathys Gros (comédien) : La directrice nous a fait passer des tests filmés. Ensuite, au cours d’un deuxième casting - avec moins de candidats - on est allés plus loin, avec Yann, dans la recherche d’émotion, la perception du texte et de nos personnages.

Yann Samuell (réalisateur) : Pour quasiment tous à part Mathys (qui a joué dans Ducobu 3), il s’agissait d’un premier rôle au cinéma. C’est là toute la difficulté. J’ai demandé à ces enfants, même si certains avaient fait du théâtre amateur, de tenir un personnage pendant 4 mois non-stop, dans des conditions très compliquées, avec un contexte éprouvant, celui d’une guerre, et des explosions autour d’eux. Ils devaient conserver leur droit fil, leur candeur, leur imagination, quelles que soient la durée et la difficulté du tournage. Il fallait qu’on s’entende bien humainement. Tout commence par là. Je voulais que cette fratrie fonctionne très bien. Je les ai tous convoqués une première fois à Paris, sans les parents ce qui était très bien (rires). On a mangé des croissants et on s’est tous installés par terre, en cercle, et chacun a expliqué pourquoi il avait envie de faire ce film. Après ce petit tour de table, on a fait un break et là j’ai observé un véritable groupe. C’était comme si tous les cinq se connaissaient depuis la maternelle. C’était magique de se dire : « l’instinct est bon ».

Mathys Gros (comédien) : Cela s’est fait naturellement, spontanément. Ce premier jour, on s’est mis à rigoler, à s’amuser. On devait danser ensemble et il n’y avait pas d’enfant mal à l’aise. On a dû crier aussi, chanter. Pour ma part, je n’ai pas eu honte ce qui peut m’arriver parfois dans certains cours de théâtre. C’était instinctif, on est devenus amis.

Alex, la BD c’est un univers que vous avez déjà fréquenté, avec « Spirou ». Qu’est-ce qui vous a séduit dans « La Guerre des Lulus » ? Vous êtes un grand lecteur de BD ?

Alex Lutz (comédien) : La BD a été un chemin d’accès à la lecture pour moi. Mon père était un gros consommateur de BD. Fluide glacial, Gotlib, Largo Winch… J’en ai lu beaucoup enfant, des trucs que je comprenais, d’autres que je ne comprenais pas ou que je n’avais pas le droit de regarder. Et puis le dessin est important pour moi car je peins, c’est ma première langue artistique. Le reste est venu par hasard, par erreur en fait.

Là, ce qui m’a donné envie c’est Yann. On s’était déjà tourné un peu autour. Je le respecte énormément, j’aime son travail. J’aime son rapport à l’enfance qui n’est pas un rapport cucul. Il aborde les enfants comme des personnes, sans espèce de contrition ou de mignonnerie gênante.

Yann Samuell (réalisateur) : Ce n’est pas que j’aborde les enfants comme des personnes, c’est surtout que j’aborde tout le monde comme des enfants ! (rire)

Alex Lutz (comédien) : En tout cas, il a quelque chose qui n’est pas coupé de l’univers de l’enfance. Il est capable d’y mettre la candeur, l’innocence, mais aussi la cruauté. J’aime cette phrase de Sagan qui dit qu’elle n’a pas eu la sensation d’avoir été une enfant et d’être devenue une adulte. Cette sensation-là, moi je l’ai très très fort. Je sais que Yann garde sauf cela. Et enfin, il y avait le rôle que je trouvais très beau et porteur de valeurs.

Dans le film, les adultes qui forment une sorte de chaîne protectrice vis-à-vis des enfants ont des seconds rôles. Comment fait-on pour faire passer des émotions si fortes en peu de scènes ? Vous avez un regard, à un moment dans le film, qui pourrait valoir deux heures de présence dans un autre !

Alex Lutz (comédien) : Merci, c’est gentil… Il y a toujours ce truc de dire il n’y a pas de petit rôle. Ce qui est faux. Je suis bien trop mégalomane pour cela. On aime bien tous les grands rôles ! En revanche, ce qui est certain c’est que vous pouvez avoir de longs rôles « abyssalement » chiants et de très beaux enjeux sur des petites choses. Moi ce qui peut me faire refuser un film avec un rôle plus mineur c’est si je sens la serpe du réalisateur - et j’en suis un, je sais ce que c’est - et que je vais être beaucoup coupé au montage. Ca ça peut me faire peur car je peux m’attacher très fort à un rôle et être très déçu s’il n’est pas fondateur. Mais dans ce film, Yann n’a construit que des rôles d’adultes extrêmement fondateurs, presque comme des jeux de chapitre. Donc il n’y avait pas à se poser cette question, il y avait à y mettre l’importance émotionnelle nécessaire à cet endroit-là. Nous aussi les adultes sommes à ce moment porté par le chemin de ces gamins, de cet orphelinat en feu, de cette guerre qui tonne et qui arrive à quelques mètres. J’étais très ému. Il y a de nombreuses scènes que j’ai trouvées bouleversantes à jouer. Comme celle où François Damiens m’offre sa bible. Je trouve cela foudroyant, que cet homme de livre, républicain qui titille le clergé toute la journée reçoive cette bible au moment de partir à la guerre. Il y a des rendez-vous dans le film d’une force incroyable.

Yann Samuell (réalisateur) : En tant que scénariste, quand j’écris sur les personnages dits de « second rôle », à chaque fois je me dis : « si je veux avoir le comédien dont je rêve, est-ce qu’il va me renvoyer au visage qu’il n’a rien à jouer ! » Même si c’est un petit rôle, il faut qu’il ait de quoi le nourrir. C’est un rôle court à jouer plutôt qu’un petit rôle.

Alex Lutz (comédien) : C’est cette espèce de couleur des personnages qui me parle. Il a une foi gigantesque, inébranlable ce professeur finalement, même si elle est différente, il a ses idéaux. Et tout à coup, il se retrouve au front, entouré de sacs de sable. C’est ce que j’aime et dans la BD et dans le film. C’est tellement fort d’aborder la question de la guerre, surtout en ce moment, vue par les enfants. Cela change tous les codes. C’est pour cela que le film est très moderne. La guerre n’est pas rattachée à un événement historique. On ne peut presque pas l’inscrire sur une frise chronologique. Elle est tout le temps la même imbécilité, la même absurdité, la même incompréhension.

Comment avez-vous vécu le passage de la bande dessinée au grand écran ?

Hardoc (dessinateur de la BD) : Nous avons été très agréablement surpris avec Régis Hautière, co-auteur de la BD. Je me suis rendu compte que la société avait tendance à édulcore, atténuer, les contes pour enfants. On retirait toutes ces peurs, tout ce qui pouvait éventuellement choquer les enfants mais aussi ce qui pouvait les rendre plus critiques et les aider à grandir. Or, ils ont besoin de connaître ces peurs pour se construire moralement, d’avoir la dureté, les moments de joie… Pour moi, Yann a retranscrit cela dans son film. Il a pris le parti d’aller vers le conte où l’ogre c’est en fait la guerre. Il amène des images oniriques comme la scène du théâtre, ou le bombardement qui se termine en feu d’artifice. Et avec Régis, on était heureux de la vision de Yann. Cela fait 13 ans qu’on travaille avec ces personnages, qu’on les aime. Les comédiens enfants et adultes nous ont beaucoup touchés. Je retiens aussi cette image forte du regard d’Alex, ses yeux. Je suis très émotif et j’ai souvent eu à la larme à l’œil ! Ce sont des valeurs qui m’ont transporté dans la bande dessinée, qui n’ont pas été trahies.

E.Cuchet

« La Guerre des Lulus »

Un film de Yann Samuell avec Alex Lutz, Isabelle Carré, Didier Bourdon, François Damiens et Ahmed Sylla.

Sortie nationale le 18 janvier 2023

Synopsis :

« À l’aube de la Première Guerre mondiale, dans un village de Picardie, quatre amis inséparables, Lucas, Luigi, Lucien et Ludwig, forment la bande des Lulus. Ces orphelins sont toujours prêts à unir leurs forces pour affronter la bande rivale d’Octave ou pour échapper à la surveillance de l’Abbé Turpin… Lorsque l’orphelinat de l’Abbaye de Valencourt est évacué en urgence, les Lulus manquent à l’appel. Oubliés derrière la ligne de front ennemie, les voilà livrés à eux-mêmes en plein conflit.»