Dom Juan au CADO

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Christophe Lidon rend hommage au Théâtre dans sa nouvelle création « Dom Juan - répétition en cours ». Des répétitions, justement, ouvertes au public le 23 septembre. Instants magiques.

Culture

Dom Juan au CADO

Il y a de la magie dans l’air en ce jeudi après-midi au Théâtre d’Orléans. Christophe Lidon, directeur du CADO, fait une belle surprise à une poignée de spectateurs en les conviant à un moment spécial et rare, une répétition publique de sa prochaine création, « Dom Juan - répétition en cours ». L’artiste a souhaité mettre en scène sa propre vision du chef-d’œuvre de Molière, porte ouverte sur la création et l’intimité avec les comédiens et la notion de spectacle même. « Dom Juan pour moi rend hommage au Théâtre, ce lieu où l’on retrouve son âme et ses battements de cœur, martèle Lidon. Dans ma version, il n’y a pas moins de Dom Juan et plus de répétition, ou vice-versa. Vous aurez la pièce dans sa totalité et sa splendeur avec ce personnage qui nous renvoie un miroir noir dans lequel nous sommes obligés de plonger. Mais on s’est amusés petit à petit à vous donner des signes d’intimité dans la pièce, à vous montrer les temps forts qui ont ciselé les décisions artistiques. » Une plongée originale dans les coulisses de l’imaginaire et des émotions du CADO, dans l’envers du décor.

On sent bien que l’on est là dans un spectacle particulier, imaginé pendant le confinement et cette période sanitaire qui a tant troublé le monde du spectacle et des artistes, les amenant à réfléchir sur leurs métiers et le fondement de leur art. Il a même été reporté, causant des sueurs froides à l’équipe.

Plus près des étoiles

Tel un magicien révélant ses tours, Christophe Lidon dévoile quelques-uns des mystères de la création théâtrale en cette séance originale, où les spectateurs sont bouchée bée et émerveillés. Il demande aux techniciens d’ouvrir le rideau et commence à livrer quelques secrets autour des métiers du théâtre, comme celui de cintrier machiniste. « Saviez-vous que tous les termes du théâtre proviennent de la marine ? » C’est l’occasion aussi de parler du décor. « Il y a 54 perches dans le théâtre qui servent à accrocher les décors, à  créer l’espace qu’est la boîte noire, symbole même du rêve. Pour cette pièce, nous avons repoussé les limites. Le décor c’est la cage de scène, il devient un vocabulaire précis, de l’ordre de l’émotion. » Autre secret révélé, environ 90 projecteurs créent les lumières et l’ambiance poétique de la scène.

Des comédiens aux cœurs tendres

Dans leurs costumes chatoyants, deux comédiens du spectacle se présentent aux spectateurs, Maxim d’Aboville qui incarne le héros et Marc Citti qui joue le rôle de Sganarelle, son valet. « J’ai rencontré deux acteurs qui m’ont donné envie de faire ce projet, nous dit le metteur en scène. J’avais les vêtements mais ils me donnent les corps dont j’avais besoin. L’important c’est de réussir à projeter les personnages sur ce qu’ils sont et venir le coller sur eux, comme sur une poupée en papier. Dom Juan et Sganarelle sont comme les deux revers d’une même médaille, ils ont une quête à accomplir et se retrouvent quand ils regardent vers les étoiles ! »

Les acteurs interprètent des morceaux choisis, comme le début de l’acte 1, puis une partie de l’acte 2 avec l’arrivée de Done Elvire, sublime Christelle Reboul, ses longs cheveux cascadant sur une robe noire du plus bel effet. A une semaine de la création, les comédiens sont extrêmement concentrés, précis, mais ravis de cet échange avec le public et de partager avec lui la tension, les questionnements, l’intensité de ces dernières journées de répétition. « On passe à l’acte 3, je regarde les changements et le timing », continue Christophe Lidon. « C’est un moment clé entre le héros et son valet, un échange philosophique sur leur façon de voir le monde. Quand on aborde un grand texte classique, on est à la fois respectueux et en même temps il y a la charge émotionnelle de nos propres souvenirs, de notre propre ressenti que l’on essaie aussi d’y ajouter. »

Après presque une heure de répétition et de calage, tous les comédiens entrent au plateau, parés de leurs costumes de scène. Un beau cadeau pour les participants qui sont invités à leur poser des questions. « Il y a cette innovation de tout ouvrir sur le plateau, dit un spectateur. Est-ce déstabilisant pour vous de ne plus avoir le refuge des coulisses ? » Christelle Reboul n’hésite pas à répondre à cœur ouvert : « C’est vrai que c’est déstabilisant, moi j’ai besoin de ce refuge au plus près de la scène, pour sentir les choses. Mais avec ce spectacle, j’apprends, j’essaie d’intégrer cette notion. Je joue un personnage qui n’est pas très stable et finalement cette situation joue pour moi et pour mon rôle. » Comme si repousser les décors et les habitudes créait une tension, une fragilité qui sied bien à ces acteurs caméléon particulièrement généreux et désireux de partager leur amour du théâtre.   

Assurément, après cette séance, on a encore plus hâte de découvrir la nouvelle création du CADO, programmée du 1er au 15 octobre au Théâtre d’Orléans.

Texte de Molière
Imaginé, mis en scène et scénographié par Christophe Lidon
Avec Maxime d’Aboville, Marc Citti, Jean-Marie Galey, Valentine Galey, Grégory Gerreboo, Mathieu Métral, Rose Noël, Christelle Reboul
Textes additionnels Michael Stampe
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Du 1er au 15 octobre 2021 - salle Touchard

https://www.cado-orleans.fr/saison-2021-2022/