Expérience sonore au théâtre

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A l’invitation de la Scène nationale d’Orléans, les élèves de la classe de seconde option cinéma/audiovisuel du Lycée Pothier ont eu la chance de vivre une expérience sonore au Théâtre d’Orléans, sous la houlette de l’Ensemble Cairn, électrique et mystérieux.

Culture

Expérience sonore au théâtre

Enchantement pour les oreilles et pour le cœur. Une vingtaine d’élèves de seconde option cinéma/audiovisuel du Lycée Pothier prennent place sur les fauteuils rouges du Théâtre d’Orléans, avec fébrilité, presque un peu d’étonnement. Ils ont répondu présents à l’invitation de la Scène nationale pour découvrir une création inédite, coupée dans son élan par la crise sanitaire que nous vivons.

Hors du temps, hors des sentiers battus… D’emblée ce concert est différent des formats habituels. Il y a la période déjà, floue et fluctuante. « Nous n’avons pas l’habitude de donner des concerts l’après-midi mais nous sommes ravis de retrouver du public et de fouler la scène d’un théâtre », sourit Jérôme Combier, compositeur et fondateur de l’Ensemble Cairn, effectif de musiciens à géométrie variable. Il y a ensuite le projet en lui-même, original et attirant. « Ce moment nous l’avons conçu spécialement pour vous et je vous guiderai entre chaque partie, poursuit Jérôme. Cela va être une expérience sonore, une musique différente cherchant à occuper l’espace… »

En effet, Lucioles est un projet pour instrumentistes (flûtiste, clarinettiste, accordéoniste, percussionniste, violoniste et violoncelliste) et haut-parleurs qui a pour objet de révéler le pouvoir surnaturel et poétique des sons à traversdes compositions de Jean-Luc Hervé, Meryll Ampe et Claude Debussy. Six musiciens de l’ensemble débutent l’aventure sonore avec deux préludes de Debussy, Les pas dans la neige et Le vent dans la pleine, invitation à la rêverie soufflant un vent d’émotion et peinture vivante d’une musique qui devient presque palpable, une présence physique, un mouvement. Les deux partitions sont notamment revisitées par un traitement informatique qui diffracte l’œuvre dans l’espace du concert, créant « une anamorphose insaisissable ».

Le ton est donné, le spectateur est immergé dans l’espace sonore, la matière sonore, tous ses sens vont être bouleversés. La pièce suivante, électro-acoustique, de Meryll Ampe, sculptrice du son, fait appel à ces petits haut-parleurs fabriqués artisanalement, disséminés parmi le public pour créer cette sensation d’immersion. Comme en apesanteur, on se prend à fermer les yeux pour vivre l’expérience à fond, et le son se met à tournoyer, à galoper tout autour de nous, percutant nos oreilles, notre cerveau, fourmillant sous notre peau, tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt devant… C’est à la fois étourdissant et saisissant, telle une jungle sonore où se mêlent bribes de radio ou de talkie-walkie, synthétiseurs… Le son devient une matière physique. On n’a qu’une envie, que l’expérience se poursuive. Place au morceau final, la pièce Lucioles de Jean-Luc Hervé qui se présente sur le plateau pour parler de son inspiration : «  Je suis très attentif à ce qui nous entoure. J’aime déceler le merveilleux dans les interstices. Au Japon, dans les forêts, il y a la présence un peu magique de lucioles qu’on ne voit pas avant qu’elles ne produisent de la lumière mais dont on sent la présence. J’aime cette sensation. La musique, c’est la même chose. Les musiciens sont comme des magiciens qui produisent des sons d’êtres invisibles qui ont une vie. Chaque son a une vie ». L’Ensemble Cairn se lance alors dans une sorte de polyphonie avec les petits haut-parleurs produisant des sons, sorte de micro-organismes possédant leur propre intelligence, leur propre vie. La musique, organique, vivante résonne avec le lieu, le lieu résonne avec la musique. Une énergie circule entre eux et le public, les gestes sonores se répètent, se répondent, se transforment. Cette matière sonore, ricochant, rebondissant dans la salle, murmurant à notre oreille, on a comme l’impression de la frôler du bout des lèvres, de la toucher du doigt, tel un attrape-rêve, un attrape-cœur. C’est un moment qu’on aimerait pouvoir revivre, qui permet de sortir de soi tout en vivant une aventure intérieure.

Après une belle salve d’applaudissements et des remerciements aux artistes, un temps d’échange a eu lieu à la fin de concert avec les élèves, touchés par cet instant intense.

Une belle invitation à écouter le monde autrement, à fermer les yeux parfois pour mieux le voir et le ressentir.