Lancement de l’exposition « Markus Lüpertz, le faiseur de dieux »

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Du 5 mars au 4 septembre, Orléans et l’œuvre de Markus Lüpertz, le faiseur de dieux et le prince des peintres, se télescopent dans les rues du centre-ville, au Parc Pasteur, à l’Hôtel Cabu et au Musée des beaux-arts. Nous avons eu la chance de faire le parcours en présence de l’artiste allemand. Récit homérique.

Culture

Lancement de l’exposition « Markus Lüpertz, le faiseur de dieux »

Instant béni des dieux que cette rencontre avec Markus Lüpertz, tout à la fois éternel enfant, géant impressionnant au sourire ravageur et au regard perçant, et mystérieux dandy qui n’est pas sans rappeler un William S. Burroughs tout droit surgi de la Beat Génération. Comme son art, l’homme ne laisse pas indifférent.

Avec un air espiègle qui ne le quitte jamais et des silences qui en disent long, Markus contemple le tour de force accompli par les équipes du musée des beaux-arts et de la ville pour déployer dans la ville ses 11 bronzes monumentaux qui dialoguent et se répondent avec ses dessins et ses peintures présentés au musée. L’aventure artistique ne fait que commencer pour celui qui a eu un coup de foudre pour Orléans, et réciproquement.

La ballade de Markus

« Avec cette exposition, on renverse le cours habituel des choses, nous interpelle Olivia Voisin, directrice des musées d’Orléans et grande pythie de cette cérémonie artistique. Le visiteur découvre l’œuvre de l’artiste dans l’espace public, dans la rue, les jardins et devant les monuments, avant même d’entrer au musée ». Les géants de bronze, tels des dieux tombés du ciel, entrent comme en collision avec les habitants tout en se fondant dans le paysage ! Telle est l’originalité d’une exposition qui, comme une douce musique, va durer 6 mois et graver dans le marbre une histoire forte entre la ville et l’un des chantres du néo-expressionnisme allemand.

Les premières œuvres monumentales se présentent aux marcheurs : le romantique Fragonard, sous les arcades du musée, tellement à l’aise dans son nouvel environnement qu’il donne l’impression d’avoir toujours été là. « A la nuit tombée, c’est comme si la statue dansait avec les jeunes qui viennent occuper l’espace et écouter de la musique », sourit Olivia. Non loin de lui, devant l’ancien office du tourisme, voici l’émouvante Daphné qui pèse son poids et a donné du fil à retordre aux agents. La sculpture date de 2005 et donne quelques clés sur le personnage. Après 20 ans de pratique picturale, le peintre s’est mis à pratiquer la sculpture même si cette dernière a toujours été présente dans son travail. Comme si peinture et sculpture se nourrissaient l’une l’autre, la matière de l’une s’échappant dans l’autre.

Voici Le Berger, l’une de ses toutes premières sculptures, nichée devant la Cathédrale Sainte-Croix. « Quand je sculpte, je ne quitte jamais la position du peintre, nous dit Lüpertz. J’ai eu une révélation quand j’ai découvert les sculptures de Maillol au Louvres. J’ai commencé à m’intéresser à l’Antiquité… » Et de poursuivre un brin cabotin et provocateur : « Mais ce que je cherche c’est à détruire le perfectionnisme de l’Antiquité avec mon art d’aujourd’hui. C’est une bataille ! »

Markus rêve.

Markus crée.

Markus livre d’incessantes batailles poussé par une quête inlassable.

Sur le rond-point entre l’ESAD et le musée, Achille se lève et marche fièrement vers la Cathédrale Sainte-Croix, illustrant à merveille combien Lüpertz est un « artiste de l’espace ». Son travail s’insère dans l’espace urbain en tissant avec lui un lien quasi (sur)naturel.

Les beaux-arts de Lüpertz

Un passage par le Musée des beaux-arts s’impose, pour tenter de comprendre l’origine de ce monde onirique et chimérique créé par l’artiste allemand, et voir de plus près les peintures et les dessins de celui que l’on surnomme « le Prince des peintres ». Montrant combien son œuvre s’inscrit dans l’histoire de l’art même, une galerie Lüpertz a été insérée dans les salles du 20e siècle à l’occasion de cette exposition-événement. Markus se livre de plus en plus et nous parle du dithyrambe, peinture manifeste qu’il a créée en 1962 : « Peindre m’enivre. J’ai voulu créer un monument pour cet enthousiasme. Je ne peins pas de motifs. Je ne peins pas un sujet. Je peins une atmosphère, je peins image après image ». L’une des clés probablement de son monde imaginaire, de son monde idéal.

« La peinture vit dans le regard du spectateur, chacun y lira une histoire différente dont je ne suis pas responsable. » Car le faiseur d’images et de dieux est dans une quête d’abstraction qui trouve sa révélation dans une peinture vivante et vive. Il peint des mystères, des devinettes, l’observateur cherche ses propres solutions. « C’est comme un acte de foi, poursuit l’artiste. Ce mystère de l’art on ne peut le saisir avec la raison mais on peut y croire ! » C’est le cœur de l’exposition au musée : montrer une peinture qui se ressent, et qui n’est pas là pour être didactique ou pour être expliquée. La vérité est dans les yeux et dans le cœur du visiteur.

Image après image, monde après monde, à l’image de sa série Arcadie par exemple, on voit apparaître petit à petit le paradis perdu de Markus Lüpertz, peuplé de héros, de frères de Prométhée punis par les dieux. La recherche s’exprime dans la matière même qui semble comme jaillir des toiles, dans une éternelle tentative qui n’aurait jamais de fin, une soif inextinguible. « L’irréel c’est la seule abstraction possible », sourit le peintre. Il crée ainsi sa propre mythologie, traces visibles que l’on retrouve à travers ses dessins préparatoires à ses sculptures, ses esquisses existant pour elles-mêmes et ses petites sculptures, visibles dans les cabinets d’arts graphiques du 1er et du 2e étage. C’est tout le musée qui pulse au rythme de cette recherche organique. Les œuvres se répondent dedans et dehors. Comme dans un effet de vase communiquant. Chaque œuvre porte en elle le germe de la suivante jusqu’à épuisement. Avec ce besoin pulsionnel de créer.

Suite du périple artistique

Markus est comme chez lui à Orléans et nous entraîne au Parc Pasteur où trois de ses œuvres majeures apparaissent comme en symbiose avec la nature : Ulysse, Mozart et Judith. L’artiste enlace ses statues, renoue le contact avec elles par le toucher comme s’il faisait de nouveau leur connaissance. « J’ai ajouté des couches de peinture à la sculpture de Mozart, c’est mon allusion à l’antiquité, nous révèle l’artiste. La couleur ne durera pas ad vitam aeternam. L’œuvre est responsable d’elle-même… »

Dans le jardin de l’Hôtel Groslot, la configuration est intéressante puisque Hercule a pris place sur un socle resté vide jusqu’à aujourd’hui, comme une évidence… Ici encore, l’artiste semble dialoguer en silence avec son œuvre, comme s’il pratiquait un acte de foi. « Markus Lüpertz a choisi cette sculpture d’un plus petit format avec cette idée de surprise, d’inattendu, souligne Olivia Voisin. C’est la première fois qu’autant de sculptures de l’artiste sont déployées sur l’espace public. C’est tout un monde qu’il a créé avec des codes divinatoires qui se révèlent aux Orléanais ! »

Pratique

> Exposition présentée du 05 mars au 04 septembre 2022

Au musée des Beaux-Arts, dans les rues du centre-ville, à l’Hôtel Cabu et au Parc Pasteur.

> Scannez les QR codes ! Lors de votre découverte des sculptures dans la ville, utilisez votre smartphone pour obtenir plus d’informations sur les œuvres et l’artiste ! Un site a été spécialement conçu à cette occasion. Accédez-y aussi ci-dessous.

https://data.orleans-metropole.fr/pages/exposition-markus-lupertz/

> Des visites flash, des visites-parcours, un concert exceptionnel, une conférence et des lectures sont proposées durant toute la durée de l’exposition. Retrouvez toutes les dates sur On Sort, la page du musée et la billetterie en ligne !