Luc Arbogast, entre ciel et terre

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Invité des fêtes johanniques en cette année particulière, le musicien et chanteur passionné d’histoire et de patrimoine a composé deux créations inédites pour l’événement. Rencontre en toute humilité et pleine d’éclats de rire avec un artiste généreux et simple, électron libre artistique qui a su toucher le public en plein cœur.

Culture , Fêtes de Jeanne d'Arc

Luc Arbogast, entre ciel et terre

Il y a eu une anecdote un peu incroyable autour de la découverte de votre voix, venue un peu tardivement alors que vous chantiez depuis l’enfance et pratiquiez plusieurs instruments de musique.

J’avais 21 ans quand j’ai « redécouvert » ma voix. Je chantais avec une voix de soprane quand j’étais enfant, à la Cathédrale de la Rochelle, où je faisais partie de la chorale Les petits chanteurs à la Croix de Nice. Ma voix de contre-ténor est ressortie comme cela, au cours d’une soirée, lorsqu’une amie m’a prêté une mandoline pour l’accorder. Mais au fond, cette voix je l’avais toujours gardée quelque part en moi. Elle a toujours été une part secrète de moi. Mais ce qui était surprenant c’est qu’entre le moment où j’ai redécouvert ma voix et le moment où j’ai commencé à en vivre, il s’est passé une journée ! En chantant comme ça, je me suis dit j’ai confiance en mon oreille et je vais aller chanter à la cathédrale. Du coup, j’ai emprunté cette fameuse mandoline et puis le lendemain, j’étais assis sur le parvis la cathédrale et je commençais à chanter des cantigas (poésies chantées et composées par des troubadours). Le lendemain ! Tout a commencé comme cela. J’ai commencé à me produire comme musicien de rue… Ce week-end d’ailleurs, cela fait 26 ans.

La musique vous a appelé dès l’enfance, elle a toujours fait partie de vous.

J’avais des accointances avec certains métiers comme la lutherie. Je voulais être luthier d’instruments anciens mais j’étais très mauvais en maths (rires). Je voulais faire de l’animation, partager, je ne savais pas encore quoi. Force est de constater que ce destin que j’ai aujourd’hui était déjà en marche. Quand j’étais enfant, on faisait des danses sur Angelo Branduardi en maternelle, c’est là que j’ai eu mes premiers frissons. Puis, j’ai participé à un spectacle de son et lumière où je jouais un rôle de troubadour, de moine. Ce côté monastique et troubadouresque, historique, je l’ai toujours eu. Le héros de mon enfance, c’était Thierry La Fronde. Je le trouvais beau, courageux. J’ai toujours été attiré par tout ça. Gamin, quand j’allais au Théâtre romain de Saintes, je vibrais comme une feuille en automne.

Vous avez eu de nombreux groupes, notamment de punk rock, que l’on retrouve dans votre look aujourd’hui.  

Oui c’était normal à 17 ans. Ce n’était pas un punk crado, mais plus une attitude musicale. Le fait d’être passé par le métal, le cross-over, le punk rock à cet âge-là a été très formateur pour moi. J’en ai gardé un goût pour la New Wave. Les musiques médiévales sont super compatibles avec le métal. D’ailleurs, il y a des groupes de métal médiéval très connus, notamment en Allemagne. Ça se mélange  bien.

Pourquoi les musiques médiévales et paysannes vous appellent autant ?

Les musiques paysannes, ce qui me fait vibrer là-dedans, c’est ce qu’on ressent dans la ferveur populaire. Dans les musiques médiévales, il faut classifier les choses, tout ne m’emporte pas. J’aime bien quand c’est solennel. Il me faut des accords mineurs. Je dirais à quelqu’un qui veut goûter ce frisson-là dans les musiques médiévales de commencer par les chants grégoriens, les chants liturgiques, les polyphonies. La musique médiévale est très vaste, il y a plusieurs styles.

Depuis que vous avez commencé votre carrière en tant que musicien de rue, on ressent que votre mission en quelque sorte est d’être un vecteur d’émotion.

C’est mettre là le doigt sur quelque chose de profond en moi, qui me définit. Déjà, s’il ne se passe rien émotionnellement parlant, je ne fais rien. Quand j’écoute un morceau avant de le jouer, quand je travaille mes mix ou quand je commence à chanter, si je ne trouve pas le bon accord, la bonne vibration, le bon crescendo et si je n’ai pas moi les poils qui se dressent un peu, alors tout simplement je recommence. Je pars du principe qu’un musicien est responsable de ce qu’il émet, de ce qu’il donne. Avoir la chance de pouvoir prendre la parole et ne pas savoir l’utiliser c’est dommage. On attend quelque chose de toi en tant qu’artiste. Si tu as le privilège d’être dans une position d’émetteur, d’être écouté, alors tu dois prendre soin de ton récepteur. Bien sûr la qualité musicale c’est important, mais l’intention et l’émotion comptent avant toute chose dans ma démarche artistique. Quand tu es musicien de rue, la rencontre, le partage, sont au cœur de ta mission.

Les retours du public suite à vos performances sont extrêmement positifs. On parle notamment de ravissement.

Je prends cela comme une chance. Surtout de pouvoir m’exprimer si pleinement, en étant en accord avec moi-même. C’est une question de karma et de foi. Une foi en l’humain, universelle.

C’est par le biais de The Voice que le grand public vous a découvert, grâce entre autre à la reprise de Mad World qui est encore dans les esprits.

Oui c’est fou. Ça fait 8 ans et on m’en parle encore. Je vais être totalement sincère. Je n’avais pas du tout envie de faire The Voice. Je jouais dans la rue, j’étais tranquille. Mon manager a reçu une demande de la production. Cela faisait des années qu’on me demandait de participer à ce genre d’émission de télévision. Mais après 25 ans de rue, et avec la revendication libertaire qui est derrière cela, il était hors de question de faire n’importe quoi n’importe comment. J’ai accepté pour plein de raisons. Le côté fun déjà, j’aime bien le troisième degré. Aller faire The Voice c’était drôle, surtout de montrer à la télé les musiques de tradition et de prouver que cela fonctionne. C’était une prise de risque pour quelqu’un issu du Med et du Trad. Et voilà, j’ai enfoncé la porte du salon des gens. Il y a eu un vrai engouement du public. Une liesse dans les fêtes médiévales aussi suite à mon passage à la télévision.

Vous parlez de votre chant, entre moyen-âge et éternité, Jeanne d’Arc c’était écrit non ?

J’ai été éduqué par un papa militaire de carrière, ancien combattant. A la maison, il y avait une petite œuvre sculptée avec Jeanne d’Arc. Je me suis toujours intéressé à Jeanne d’Arc d’un point de vue historique, à Charles VII. Aux quinze ans surtout allant des batailles et au moment où Jeanne sacre Charles VII à Reims jusqu’à la rencontre du roi avec Agnès Sorel. C’est un passage qui me parle énormément. Je me sens assez proche des Valois. Et l’idée de remplir une mission qui mêle à la fois le divin - car il y a du divin dans l’histoire de Jeanne - et le terrestre symbolisé par la guerre,  je trouve cela captivant. Et il y a aussi Orléans. J’ai chanté il y a une dizaine d’années pour la Remise de l’étendard à la cathédrale au cours des fêtes johanniques. J’aime Orléans et il se trouve qu’on dirait bien qu’Orléans m’aime bien aussi.

Pour ces fêtes johanniques 2021, vous avez composé deux créations musicales inédites.

Au départ, on m’a demandé de venir chanter deux morceaux. Or, il m’était impossible de juste venir pour chanter quelque chose d’existant, cela ne m’intéressait pas. Orléans est suffisamment inspirante pour qu’on ressente l’envie de faire une création exprès pour elle. D’autant plus que le format de ce qui est proposé cette année, l’hommage à jeanne d’Arc, méritait que cela ne soit pas juste un chant, que cela aille bien au-delà. Il fallait créer quelque chose, être en osmose avec le projet. Les choses se sont faites naturellement, comme une évidence.

Les deux créations que j’ai proposées sont des chants commémoratifs qui replacent dans le contexte l’histoire de Jeanne. Avec des textes qui disent l’essentiel. Dans la création pour la Cérémonie de remise de l’épée, c’est le peuple soutenant Jeanne qui parle. Il lui dit qu’il attend sa libératrice et lui demande de venir le sauver. Avec la composition pour la Cérémonie de restitution de l’étendard, j’associe le chant contre-ténor à une prise de parole déclamant la liste de ses hauts faits d’armes, et tout se termine par une envolée populaire : « Avec à toi Jeanne, les honneurs et la gloire ! ». L’histoire, le chant romantique et la ferveur populaire s’entremêlent. C’est ce que j’adore, je remplis trois missions : une culturelle, une lyrique et émotionnelle et une populaire.

Qu’avez-vous ressenti au cours de ces cérémonies ?

Une grande fluidité. C’était si naturel, si juste d’être là. Lors de la remise de l’épée, le morceau collait à ce que j’avais imaginé en le composant, à cette atmosphère solennelle et puissante. Et évidemment, je suis un rat de cathédrale. Quand je me trouve dans une cathédrale pour chanter, je suis transporté de joie. J’aime toutes les cathédrales de France. C’était parfait.

Ce qui est beau dans l’histoire c’est qu’au départ je suis un artiste de rue, avec un itinéraire un peu anarchiste, j’ai un tempérament quoi ! Et aujourd’hui, je peux tutoyer les évêques de France et discuter à bâtons rompus avec un maire. Cela me donne quelque part un privilège et fait de moi un ambassadeur passionné qui peut faire le lien avec le peuple dans le sens noble du terme. Je remercie le Maire d’Orléans qui m’a fait confiance, qui a immédiatement pensé à moi lorsque la décision de cet hommage à Jeanne d’Arc a été prise. Cela me touche. Orléans peut compter sur moi. Si on fait appel à moi l’année prochaine pour les Fêtes de Jeanne d’Arc je ferai mon possible pour revenir.

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Le tweet de Luc Arbogast suite à son passage à Orléans :