Rencontre avec l’équipe du film La Brigade

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Le 3 mars dernier, le Pathé Orléans a accueilli l’équipe du film La Brigade, nouveau film de Louis-Julien Petit empli d’humanisme et d’espoir. Une rencontre où les rires l’ont disputé à l’émotion !

Culture

Rencontre avec l’équipe du film La Brigade

Discount, Carole Matthieu, Les Invisibles, aujourd’hui La Brigade. La comédie sociale est un genre qui vous tient à cœur ?

Louis-Julien Petit (réalisateur) : Dans la comédie sociale, on parle de personnages qui n’ont plus rien et qui ont tout à gagner. J’aime bien cela. On est avec des combattants modernes, des gens qui sont comme nous et à qui on s’identifie. A travers leurs combats ordinaires, des sujets qui sont parfois durs. Et la comédie sociale permet cela. Cela crée un lien entre un sujet qu’on ne veut pas trop voir, qu’on met un peu sous la table et le spectateur.

Comment est née l’envie de traiter un tel sujet sur les mineurs non accompagnés ?

Louis-Julien Petit (réalisateur) : Après les Invisibles, j’étais soucieux d’intégration, d’insertion. Je trouvais cela intéressant comme sujet. Ma co-scénariste en a parlé avec ma productrice et m’a conseillé d’aller dans le sud-ouest à la rencontre d’une cuisinière Catherine Grosjean qui donne des cours à de jeunes migrants, des mineurs et leur transmet sa passion de la cuisine. 100% de ces jeunes réussissent à être diplômés et à s’intégrer dans la société française et dans nos cuisines. Je suis allé là-bas et j’ai été touché par cette histoire, par ces jeunes qui arrivent et ont envie d’apprendre. Ensuite je me suis dit que pour créer ce lien, il fallait que l’humour soit là, et travailler sur un personnage haut en couleurs. Ainsi est née notre Cathy-Marie interprétée par Audrey Lamy.

Comment avez-vous réussi à associer aussi justement et finement des comédiens de haut-vol comme François Cluzet et Audrey Lamy à ces jeunes débutants ?

Louis-Julien Petit (réalisateur) : Dans mes films, tout le monde est au même niveau, il n’y a pas de hiérarchie. C’est l’humain qui prime, on est regardé en face, dans les yeux. C’est ce que je propose au spectateur. D’être au même niveau, au même tempo que Cathy-Marie et à apprendre en même temps qu’elle, découvrir les jeunes et les problématiques migratoires et peut-être ses solutions en même temps qu’elle. C’est un personnage assez autocentré au départ, frustré car empêché de réaliser son rêve dans des grandes cuisines, un peu dur. Au contact de ces jeunes, elle va s’ouvrir et surtout réaliser son rêve, autrement, pas comme elle l’avait prévu. Quand on part de l’individu et que l’on va vers le collectif, d’un seul coup des possibilités peuvent germer, jaillir. La réussite crée de l’espoir. On a ce jeune acteur démentiel, Yannick Kalombo, qui en est le meilleur exemple.

Oui vous nous avez fait la surprise de venir avec Yannick Kalombo, Gus-Gus dans le film, qui crève littéralement l’écran.

Louis-Julien Petit : Les gens l’adorent. C’est la mascotte du film.

Comment avez-vous rencontré ces jeunes formidables que l’on découvre dans le film ?

Louis-Julien Petit : 300 jeunes ont parlé face caméra dans diverses associations à Paris. On en a parlé aux éducateurs, aux CPE, dans des collèges, dans des lycées, des associations… Cela a été un grand casting qui a duré 6-8 mois. J’ai vu 300 heures de rush. Je cherchais des personnalités, des caractères pour qu’ils puissent trouver leur place dans le film, je ne cherchais pas le parcours le plus miséreux. J’en ai rencontré 100, on a fait des ateliers de théâtre pendant 4 mois. Sur ces 100, j’en ai sélectionné 50. La particularité du film c’est que le premier plan que vous voyez à l’écran avec Cathy-Marie, c’est vraiment leur tout premier jour de tournage. Et le dernier plan, c’est leur dernier jour de tournage. On a assisté nous équipe du film comme spectateur à leur éclosion, à leur éveil. La timidité du premier plan de Yannick n’a rien à voir avec son envol lors de son dernier jour de tournage (rire)

Yannick Kalombo (Gus-Gus dans le film) : C’est incroyable, c’est impressionnant. Je ne m’attendais pas du tout de me voir sur un grand écran au cinéma. Même quand on tournait, je n’y croyais pas.

Louis-Julien Petit : toi comme les autres vous en vous fichiez de la caméra. Ils ont une forme de candeur mais qui attention qui n’est pas de la naïveté. Ils savent très bien pourquoi ils sont venus en France, pour apprendre, pour rentrer dans le système éducatif. C’est aussi cela le sujet du film, l’éducation est une solution. Quand on a Cathy-Marie qui fait un métier de passion, elle a des velléités de pédagogue, elle arrive et elle a un lien avec ces gamins. Nous assistons à ce processus. Ils sont presque désabusés par la vie au départ. Lorsque l’on arrive en France, on se prend un mur quand même. Il y a une urgence, une épée de Damoclès, il faut prouver quelque chose, une formation, un projet, un travail. Ils arrivent mineurs et ont vécu des choses très dures pour arriver là.

Yannick est le plus jeune donc son parcours est particulier. Mais les autres, ceux qui ont tourné dans le film sont arrivés à 12 ans, 13 ans, 14 ans, plein d’espoir, plein de vie. Demba, le grand garçon au t-shirt jaune, a été formé par la vraie Catherine Grosjean et aujourd’hui il est chef de partie chez Dalloyau. Ça veut tout dire.

Vous avez été aidé par un chef pour rendre la partie cuisine si crédible ?

Louis-Julien Petit : Oui il y a énormément de travail. Audrey a passé entre 4 et 6 mois dans le restaurant Apicius et a été coachée par Christophe Villermet et Matthieu Pacaud qui ont été tous les deux avec elle non-stop. Elle  a levé je ne sais pas combien de kilos de harengs (rires). La technicité ça s’apprend et Audrey est comédienne. Mais moi je ne voulais pas faire un film sur la cuisine, mais plutôt sur la transmission de cet amour-là. D’un seul coup, il est plus universel. Quand on parle de madeleine de Proust, on pense à sa mère, à son père, à ceux qui nous ont nourris, aux souvenirs de notre enfance. Cela renvoie à la famille, aux goûts, aux odeurs. Je voulais qu’Audrey écoute le vocabulaire, qu’elle entende des choses pour la nourrir entièrement et arriver sur le plateau avec aussi des moments d’improvisation. Elle a les gestes, elle est incroyable. Elle peut nous faire passer du rire aux larmes en une seconde ! On lit en elle, beaucoup. Elle a ces trois mots de mes films, de l’amour, de l’humour et de l’humain. Tu peux en parler d’Audrey Yannick, tu as beaucoup tourné avec elle.

Yannick Kalombo (Gus-Gus dans le film) : Oui le tournage avec Audrey s’est bien passé. Il y a avait des rigolades et des moments où il fallait bosser. Ce n’était pas facile pour moi car je n’ai jamais fait de théâtre. Il fallait maîtriser plein de trucs d’un coup comme ne pas regarder la caméra. Quand tu refais l’erreur et que tout le monde doit recommencer la scène, cela marque ! Tu apprends vite du coup. J’ai vécu une belle expérience. Tourner avec des acteurs comme eux c’est fou, comme un rêve.

Louis-Julien Petit : Je leur disais que le plateau n’est qu’un passage. On reste deux mois et ensuite votre vie c’est le plus important, l’école, tout ça.

Pour en revenir au tournage avec les jeunes, c’était fou. J’avais collé une affiche de Yannick sur mon bureau. Quand je l’ai vu au casting, j’ai su que c’était lui mon personnage de Gus-Gus. Il n’était en France que depuis quelques mois, c’était le destin. Comme il était le plus jeune, c’était la mascotte de toute l’équipe. On le voit dans le film. Tout le monde l’a protégé, c’est le petit frère. Il s’appelle Gus-Gus comme la petite souris de Cendrillon, avec cette idée de conte aussi.  Je voulais rire de cela, Cendrillon attend qu’un homme vienne la délivrer du ménage. Impensable en 2022 ! Gus-Gus dans le conte est atypique, a sa logique à lui. Dans le film, il attend Cathy-Marie comme le messie.

Avez-vous reçu beaucoup de conseils de la part d’Audrey Lamy et François Cluzet ?

Yannick Kalombo (Gus-Gus dans le film) : Au départ, ils étaient tout le temps avec nous, à essayer de nous mettre à l’aise. Au fur et à mesure, on a acquis plus d’autonomie, on a pris notre élan.

Louis-Julien Petit : Oui, il y avait de la confiance et de la bienveillance. L’idée c’était d’aller chercher la lumière qu’il a naturellement chez lui. Mais j’étais exigeant,et lui aussi avec lui-même.Et il a été très bon. J’étais très fier de lui et j’ai versé ma petite larme lors de son dernier plan. Il a renversé toute l’équipe. 200 personnes l’ont applaudi, il a marqué le film.

Ce qui fait le sel du film c’est aussi le mélange original entre la téléréalité et le sujet des mineurs non accompagnés.

Louis-Julien Petit : Aujourd’hui on ne peut pas parler de réussite et de quête de notoriété sans parler de téléréalité. L’émission recréée dans le film reprend les codes tout en étant une satire jubilatoire. Si on compte le nombre de téléréalités sur la bouffe, c’est énorme ! Je voulais travailler là-dessus pour en rire. Elle est traduite dans le film comme un Big Brother qui est tout le temps là. La télé, l’image, la facilité d’accès à la notoriété sont très présentes dans notre société. Quand on oppose cette téléréalité à l’éducation par le travail, à l’apprentissage, ce que font les jeunes dans le film,  tout prend alors son sens.

Et le film se tient toujours sur un fil entre rire et larmes.

Louis-Julien Petit : C’est la difficulté quand on appréhende le genre de la comédie sociale, on y est sur un fil comme un funambule. Dès qu’on va à gauche, cela peut être trop poussé, burlesque, gras, lourd. Dès qu’on pousse le curseur trop à droite, cela peut être trop misérabiliste. Il faut rester au milieu, c’est très serré. A tout point de vue que cela soit au niveau de la musique, des costumes, de l’esthétique, des dialogues… L’objectif ce n’est pas d’éluder la réalité mais mais de traduire par le vecteur de la comédie une sensation d’espoir. Tout le monde en a besoin en ces temps très contrariés. Je suis papa, parler de transmission, c’est cela qui m’intéresse. J’ai besoin de dire à ma fille que ça va aller ! Il y a des gens qui se battent, des choses positives. Il faut y croire.

Le tournage a été impacté par une série de catastrophes.

Louis-Julien Petit : Sur le tournage dans les Hauts-de-France, j’ai eu 7 sinistres ! François Cluzet s’est cassé le talon d’Achille lors de son tout premier plan. Il a été opéré, a failli quitter le film. J’ai tout réécrit pour lui. Le lendemain, Audrey est tombée et a eu une phlébite. Deux jours après, une carte mémoire a crashé avec 4 heures de rush que j’ai dû retourner du jour au lendemain avec des figurants que j’ai dû rappeler et qui n’étaient pas tous disponibles. Ensuite, on a eu une tornade qui a cassé des accessoires. On a aussi eu le froid polaire qui a gelé les décors. Le lendemain, on a eu un cas de méningite chez un jeune. Ensuite, on a eu trois cas de Covid avec le variant anglais qui est arrivé à Dunkerque. Je n’avais plus de son, plus de perchman, plus de première assistante. Puis, lorsqu’on tournait dans la ferme, encore une chute de comédiens. Pourquoi tous mes acteurs tombent devant moi ? Et voilà, rien n’a arrêté le film. C’est la story-telling du film mais je vous assure que pour nous qui l’avons vécu c’était dingue. Quand on tournait la scène du match de foot, il faisait moins 18 ! Ça arrive en France ça ?

LA BRIGADE

Sortie le  23 mars 2022
Comédie  (1h37)
De Louis-Julien Petit
Avec Audrey Lamy, François Cluzet, Chantal Neuwirth
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Le pitch : Depuis toute petite, Cathy rêve de diriger son propre restaurant. Mais à quarante ans, rien ne s'est passé comme prévu et elle se retrouve contrainte d'accepter un poste de cantinière dans un foyer pour jeunes migrants. Son rêve semble encore s’éloigner… ou pas ?

Notre critique : Une lettre à France pleine d’émotion avec de jeunes comédiens attachants qui nous saisissent en plein cœur. Fidèle à un genre qui lui sied si bien, Louis-Julien Petit nous parle d’apprentissage, d’amour du travail bien fait, de transmission et de la famille que l’on se choisit aussi. Entre rire et larme, légèreté et moments plus durs, la vie est un sport d’équipe et on a envie de faire partie de cette belle brigade !

Festival du film de demain

« Mettre la lumière sur des films et des cinéastes engagés »

Louis-Julien Petit en a profité pour annoncer la création du festival de film de demain. Une nouvelle manifestation à l’image de ses films : citoyenne, pro-active et combattive. Le réalisateur des Invisibles et de La Brigade souhaite mettre en avant des œuvres sociales fortes, quels que soient leur support de diffusion.

La première édition se déroulera du 2 au 5 juin 2022 dans la ville de Vierzon au Ciné Lumière en présence d’un jury prestigieux qui remettra six grands prix dont celui du meilleur film, de la meilleure réalisation, du meilleur acteur, de la meilleure actrice, du meilleur scénario, et du public.

Un concours national de réalisation de court-métrage, le FDD Challenge, sera également organisé pendant la durée du festival, destiné aux jeunes de 15 à 25 ans sur une thématique en écho avec l’actualité. Une initiative dont la marraine sera Fatou Kaba, influenceuse et actrice dans La Brigade, avec, à la clé, une bourse de 3 000 euros. Et un casting gratuit sera ouvert au grand public. Objectif : trouver, parmi les acteurs en herbe, la révélation de demain. Ce casting sans limite d’âge sera organisé par David Bertrand, qui a été notamment directeur de casting de François Ozon et Albert Dupontel.

Toutes les informations sur https://filmdedemain.fr/