Vaincre à Rome, triompher à Orléans

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Jusqu’au samedi 3 juillet, la Scène nationale accueille le dernier spectacle de Thierry Falvisaner contant le mythe du marathonien aux pieds d’or, Abebe Bikila. Un uppercut théâtral et une course artistique enflammée à ne pas manquer.

Culture

Vaincre à Rome, triompher à Orléans

Vaincre à Rome, « la légende de l’homme-panthère capable de courir du coucher au lever du soleil ». Un nom onirique pour un spectacle qui nous fait comprendre pourquoi on aime autant le théâtre, pourquoi on avait tellement hâte d’y retourner. Parce que c’est un lieu où l’on peut rire, pleurer, rêver…, et vivre. Ensemble dans un sentiment de communion.

Pour cette première représentation au Théâtre d’Orléans, ce jeudi après-midi, il y a des spectateurs de tous âges, des habitués mais aussi des collégiens qui poussent la porte du théâtre pour la première fois et des habitants, très émus, du quartier de La Source où le Théâtre Charbon a beaucoup œuvré ces dernières années en menant des résidences. Tout un symbole pour un spectacle qui rassemble, qui fédère, en contant la légende d’un sportif hors du commun, Achille des temps modernes au destin et au corps finalement brisés, un temps béni puis maudit par les dieux. 

« Vaincre à Rome ce serait comme vaincre mille fois »

Cette fiction évoque le mythe d’Abebe Bikila, marathonien et demi-dieu éthiopien, premier champion africain noir des jeux olympiques, qui remporta le marathon de Rome en 1960 en courant… pieds nus. Comme un signe du destin, un oracle, vingt ans après l’occupation italienne de l’Éthiopie sous Mussolini.

Par le jeu du décor, de la vidéo et des lumières, on est immédiatement plongés dans le spectacle, comme happés par la voix de l’épouse d’Abebe, éternelle amoureuse nous donnant à voir l’homme derrière le mythe, bientôt rejointe par l’entraîneur/prédicateur/militaire/père spirituel, le commentateur sportif qui ne comprend d’abord pas qu’il assiste à la naissance d’une légende et le musicien dont la batterie figure la pulsation du cœur du héros, le grondement de la guerre ou de la foule qui se lève le point victorieux. Puis, c’est le point d’orgue, électrique. Incarné par un danseur car le corps de l’athlète est celui du danseur, fragile, parfois douloureux, constamment dans l’effort, Abebe apparaît sous nos yeux, prêt à se lancer dans sa quête de l’Olympe. Comment raconter le mythe, le corps, le rythme ? C’est là la force du spectacle mis en scène par Thierry Falvisaner (qui interprète d’ailleurs l’entraîneur suédois), entrecroiser écriture dramatique, théâtre, musique, danse et vidéo pour donner du corps et de l’émotion à son récit. Une fusion totale entre la grande et la petite histoire, l’intime, la mémoire, la revanche du sport sur la guerre. Le texte est sublime, poétique, la mise en scène ingénieuse, généreuse, car elle nous permet de revivre la course mythique du champion éthiopien, de vibrer avec lui, de souffrir avec lui, d’être essoufflés comme lui, victorieux comme lui. La musique, prenante et intense, est jouée en direct. Comme une pulsation de vie. C’est un sentiment puissant, galvanisant.

Et que dire des interprètes si justes dans leur partition. A l’image de Timothé Ballo, à la présence très brute, viscérale, qui incarne au millimètre et à la sueur près l’athlète qui voulait courir pieds nus pour ne pas avoir d’ampoules, jeune berger qui déjoua les pronostics divins pour devenir une légende et qui - peut-être - en paya le prix en finissant à peine quelques années plus tard le corps en miettes, complètement brisé. On retrouvera d’ailleurs le danseur au Théâtre d’Orléans dans « Omma », spectacle de Josef Nadj, le 17 juillet.

En route vers l’Olympe

Ce spectacle qui convoque tous les sens, on sent combien il a été travaillé, peaufiné, poli, choyé dans le temps. Comme une évidence. Et l’histoire est belle en effet. « Ce projet est né de la rencontre avec Sylvain Coher dans le cadre d’une résidence d’écriture avec le Théâtre Charbon, nous confie Thierry Falvisaner au sortir de la scène. Nous lui avons passé commande d’un texte qui serait un prolongement de son roman Vaincre à Rome qu’il terminait d’écrire. Lors du festival Enracinement/Déracinement au Théâtre Gérard Philipe, on a présenté une ébauche avec Timothé et le musicien Adrien Chennebault. Et on a senti le truc tout de suite, les gens étaient scotchés. » La magie d’Abebe Bikila qui continue de fasciner et de courir dans nos rêves. Pendant deux ans et demi, le Théâtre Charbon a travaillé avec les gens du territoire de La Source pour ce spectacle. « Il y a toute une résonnance, une manière aussi d’attraper la jeunesse », souligne le metteur en scène. Une profession de foi pour Thierry Falvisaner qui s’apprête à commencer une résidence au Collège Montesquieu avec l’objectif que chaque élève « mette un pied dans l’art » et que les lieux culturels s’ouvrent à chacun d’entre eux. Cerise sur le gâteau, Vaincre à Rome… vient d’être labellisé par la direction de la culture de Paris 2024, dans le cadre de sa programmation de l’Olympiade culturelle. En route pour les Jeux Olympiques ! Jusqu’où ira l’envolée, la course folle d’Abebe ?

Théâtre Charbon (création 2021)

Auteur Sylvain Coher
Mise en scène, scénographie Thierry Falvisaner
Collaboration artistique Adrien Chennebault, Thomas Cerisola, Sylvain Coher
Interprétation Timothé Ballo, Adrien Chennebault, Thierry Falvisaner, Thomas Cerisola, Ganne Raymond
Création lumières, régie Simon Laurent
Création vidéo Matthieu Etignard
Collaboration vidéo Guillaume Valette
Construction décor Jérôme Perez
Costumes Paula Dartigues

Vendredi 2 juillet 14h30 et 20h30, samedi 3 juillet 16h et 20h30 − Salle Vitez
Tarifs de 5€ à 15€, détails et renseignements 
ici
Durée 1h

https://www.scenenationaledorleans.fr/spectacles/vaincre-rome-la-gende-l-homme-panth-59.html?article=2341​​​​​​​​​​​​​​