Visite de l’exposition Trois Regards Photographiques

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Du 24 septembre au 27 novembre, la Collégiale St-Pierre-le-Puellier accueille l’exposition « Trois regards photographiques », présentée par la galerie Capazza et réalisée par Eric Antoine, Robert Charles Mann et Jérémie Lenoir. Visite immersive !

Culture

Visite de l’exposition Trois Regards Photographiques

Une exposition qui va droit au cœur du visiteur. Lui apportant une forme d’apaisement, de la sérénité et de la beauté. La beauté, justement le cœur battant de « Trois regards photographiques », collaboration inédite et furieusement séduisante entre la Collégiale St-Pierre-le-Puellier et la galerie Capazza incarnant l’art contemporain sous toutes ses facettes. Laura et Denis Capazza-Durand transposent dans l’église millénaire le havre de paix de leur galerie nichée en plein cœur de la Sologne et accolée au château de Nançay. Une résonnance entre l’art contemporain et le patrimoine, comme une évidence.

Réenchanter le monde. Fabriquer de la beauté. Faire une déclaration fracassante avec de la poésie. Tel est - en filigrane - le propos de l’exposition qui présente le travail de trois artistes d’aujourd’hui, Eric Antoine, Robert Charles Mann et Jérémie Lenoir, dont les styles différents en viennent à dialoguer, à s’épouser. « Notre volonté était de conserver la réussite de l’architecture de la Collégiale, de laisser le lieu respirer en essayant d’en livrer une lecture poétique, introduit Denis Capazza-Durand, co-commissaire de l’exposition avec son épouse. Le monde a besoin de poésie ! »

Une intime conviction qui a mené les galeristes à entrelacer le travail photographique de trois artistes aux techniques et procédés totalement différents mais qui chacun à leur façon - partant du paysage, ou de la trace de l’homme dans le paysage - transforment le monde réel pour l’ancrer dans la beauté, la poésie. Un ouragan d’émotions, un grand cri artistique. Ils racontent une histoire où il est question de rester humain, de résister coûte que coûte, même dans le silence, sans rien revendiquer… De quoi nouer la gorge des spectateurs qui en prennent plein les yeux dans un dédale - épuré et dépouillé de tout artifice - d’œuvres d’une beauté à couper le souffle et d’une sobriété, d’une humilité étonnante.

De chaque côté de la Collégiale, on est comme happés par les œuvres de l’américain Robert Charles Mann, installé à Chaumont-sur-Loire, lancé dans une quête inlassable de « prendre le temps en photo ». « Il utilise uniquement des sténopés (appareil photo sans objectifs) qu’il installe en Californie et en France durant six mois, d’un solstice à l’autre, raconte Denis. Il réalise donc une prise de vue qui dure des mois, l’image se construisant inlassablement. Cette idée de capturer le temps long est propice à la poésie, à prendre de la hauteur, de la distance. » De cette tentative de transformer le réel, naissent des photographies vaporeuses, poétiques où l’on voit la courbe du soleil qui s’entasse au fil des jours tel un rayon laser. Comme une réappropriation du hasard, un accident, un imprévu, l’art dévoile un pan du monde qu’on n’imaginait même pas en rêve. Dans ce travail tout en paradoxe, Robert Charles Mann - par ailleurs tireur de photo reconnu qui a collaboré avec Helmut Newton, Dennis Hopper ou Brad Pitt - se transforme en alchimiste, expérimentant des procédés avec un papier photosensible contenant toute une gamme chromatique.

Les trois artistes qui réalisent l’exposition ne dénoncent pas le monde. Ils sont plutôt dans cette posture de se dire : qu’est-ce que l’artiste est capable de faire pour que le monde aille mieux ? Il en jaillit comme une forme de méditation, de prise de temps et de distance, une liberté née dans la contrainte.

Jérémie Lenoir réalise des prises de vue aériennes de paysages transformés par l’homme, friches industrielles, routes minières le long du Rhin… Pour mieux faire surgir une vision esthétique, plastique, quasiment irréelle. Considéré comme « l’anthropologue du paysage », son travail - notamment sa nouvelle série Lander -  univers à la limite du noir et blanc, confine à l’abstraction lyrique. Et que dire de cette œuvre monochrome blanche, imaginée lors du confinement, et construite couche après couche comme des sédiments sur un site archéologique ? « Il y a comme un aspect de peinture dans son travail », explique Laure Capazza-Durand. Il faut s’approcher, vibrer, sentir sa toile pour comprendre combien l’artiste a expérimenté à la fois sur le plan technique et poétique.

Dans le chœur de la Collégiale, un espace intime, véritable alcôve, est dédié au travail sensible et teinté de nostalgie d’Eric Antoine, Baudelaire de la photographie au spleen lumineux. L’artiste travaille à la chambre photographique et crée sa propre chimie, révélant son sujet par l’application d’un fond noir et captant la lumière grâce à une encre particulière. Intense. Inspirant. Son univers très intérieur, contemplatif, comme hanté, évaporé et fantomatique, provoque un choc à l’âme. Une réaction en chaîne qui nous pousse à regarder en arrière autant qu’en avant. Tout le contraste de l’association d’un procédé ancien et d’une photo d’aujourd’hui, du classicisme et du contemporain. De quoi brouiller les pistes et jouer avec le regard d’autrui.

Et Denis de conclure dans un grand sourire tout en admirant les œuvres : « Que des choix du cœur ! »

Robert Charles Mann, Eric Antoine et Jérémie Lenoir racontent quelque chose du monde dans lequel ils sont. « Ce sont des artistes qui ont des choses à dire et ont choisi le chemin de la poésie. Pour nous, cela fait toute la différence ! » Un art sensible au regard, mais non dénué de sens. Un temps pour méditer, pour prendre le temps… de se perdre pour mieux se retrouver.

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