Tendances des recherches actuelles

      Economie - innovation

      le 30/09/2025

      MS4ALL : Démocratiser la simulation moléculaire pour prévenir la pollution éternelle

      Fondée en octobre 2023 au LAB’O Village by CA, la start-up MS4ALL s’empare d’un sujet préoccupant pour la santé, celui des polluants éternels, que l’on retrouve aujourd’hui dans toutes les eaux de la planète. Les trois cofondateurs et leur équipe ont mis au point un outil numérique qui permet aux industriels et aux fournisseurs d’eau de prédire, dans un temps record, la dégradation des molécules incriminées.

      Édouard Lete, ingénieur de formation, est un chef d’entreprise heureux. MS4ALL vient tout juste d’effectuer sa première levée de fonds chez Da Vinci Labs et UI Investissement, grâce à l’écosystème mis en place par la Technopole. Un engagement qui va permettre l’embauche de trois personnes au 1er octobre, puis deux en début d’année 2026, pour démarrer la commercialisation de leur application, dont la première phase de développement vient de s’achever. Fondée avec Nicolas Froloff, polytechnicien et docteur en biologie moléculaire et Pascal Brault, directeur de recherche au CNRS du laboratoire GREMI du CNRS et de l’université d’Orléans, la start-up emploie déjà cinq salariés. Raison d’être de l’entreprise : démocratiser l’utilisation de la simulation moléculaire. Dit comme ça, cela n’évoque pas grand-chose pour le commun des mortels, mais cela pourrait être un énorme pas en avant dans la lutte contre des ennemis invisibles tels que les PFAS, polluants accusés de nombreux maux environnementaux et de maladies graves.

      Qu’est-ce que la simulation moléculaire ?
      Parlons déjà de simulation numérique. Tout le monde a déjà vu la simulation numérique d’un crash de voiture. Pour Édouard Lete, l’avenir sera d’observer une simulation numérique à un niveau beaucoup plus bas, cellulaire ou moléculaire, soit ce qui se passe à l’intérieur d’une boîte de quelques nanomètres de côté. En bref, prédire avec un microscope virtuel les interactions des atomes et molécules présents dans la fabrication des produits, en un temps record. Il sera en effet possible d’accélérer les comportements, donc de savoir sans attendre des années ce que devient ce monde minuscule, souvent responsable de pollution à grande échelle de notre planète, afin de les proscrire ou au contraire de les adopter.

      Comment ça marche ?
      Prenons l’exemple de molécule d’un pesticide plongée dans un milieu oxydant. Comment cette molécule se détruit-elle dans l’eau ? Avec une approche expérimentale, l’étude peut s’étaler sur un à deux mois, selon les normes. Avec l’application développée par MS4ALL, les résultats seront visibles en quelques heures, maximum un jour ou deux, grâce aux approches mises au point depuis vingt ans au laboratoire GREMI à Orléans. Cette première innovation technologique est suivie d’une deuxième : l’innovation d’usage, soit la possibilité pour les laborantins, ingénieurs, chercheurs ou techniciens, de simuler le comportement de ces molécules, sans expert en simulation, ni moyen de calcul, ni achat de licence. Cette seconde raison d’être de MS4ALL est de rendre accessible en un temps record des résultats nécessitant des mois de travail.

      Partenaires des industriels
      À l’échelle de l’Europe, il existe une liste de matériaux officiellement dangereux pour l’environnement, qui ne peuvent plus être utilisés. Les industriels doivent par conséquent rechercher les moyens de les remplacer. De tels développements nécessitent dix ans de recherche. Avec l’approche de MS4ALL, il sera possible de raccourcir ce délai de moitié environ. Dans le domaine des matériaux, MS4ALL collabore étroitement avec des sociétés renommées comme SAFRAN.

      La traque aux polluants éternels, enjeu vital
      118 000 polluants sont répertoriés à ce jour. Parmi eux, 14 000 bêtes noires, les polluants éternels, autrement nommés les PFAS. Leurs molécules ne se dégradent pas naturellement dans l’environnement. Ils sont utilisés dans les pesticides, les herbicides, certains médicaments et antibiotiques, et différents matériaux. Dangereux pour la santé, reconnus cancérogènes ou perturbateurs endocriniens pour certains d’entre eux, ils s’accumulent et se concentrent au point qu’il devient nécessaire de fermer des captages d’eau qui ont d’ores et déjà atteint un niveau de toxicité trop élevé, privant les consommateurs d’eau potable. Un chiffre qui affole : sur 36 000 captages d’eau potable en France, un tiers a fermé. « C’est une bombe à retardement. Heureusement, depuis 5 ans, on commence à entendre parler des PFAS », estime Édouard Lete.

      L’appli qui prédit l’avenir de la molécule
      Pour lutter contre ce fléau, MS4ALL entend apporter sa pierre à l’édifice, grâce à l’application MS4Nature développée par l’équipe de Zoheir Laguel, en charge du développement de cette plateforme logicielle. Un outil d’aide à la décision pour des entreprises comme SUEZ, qui permet de simuler, en fonction des traitements administrés, le comportement des micropolluants répertoriés et de suivre leur dégradation. Pour l’utilisateur, il suffira de sélectionner une molécule puis un procédé physico-chimique ou biologique et de lancer le calcul. En quelques heures, les résultats de dégradation de la molécule apparaissent en 3D. Une application conçue pour le plus grand nombre, accessible aux entreprises selon diverses formules d’abonnement.