Toutes les histoires d’entreprises naissent d’une expérience ou d’un constat fait un jour par leur créateur. Celle d’HKVOR est particulièrement insolite : tout démarre dans un cabinet de podologie, lorsqu’une patiente explique à Olivier Defrance, podologue à Orléans, qu’étonnamment, son chat adore manger la corne de ses pieds après chaque soin. Après une telle discussion, une idée fixe obsède le soignant : que faire des ongles et de la corne de pied récoltés chaque année dans les cabinets de podologie ?
Le jeune homme, alors âgé de 24 ans, sort sa calculatrice, pèse sa récolte quotidienne et la multiplie par le nombre de podologues exerçant en France. Résultat : entre 3 et 4 tonnes par an.
Une extraction au prix fort… pour la planète
Une recherche rapide l’informe que la composition principale de ces résidus corporels est la kératine, protéine qui structure les tissus, représentant environ 90 % de notre épiderme et 95 % de nos cheveux. Connue des consommateurs pour son utilisation dans les shampooings, elle confère imperméabilité et solidité à la peau, et force et brillance aux cheveux. Olivier Defrance se documente sur les méthodes d’extraction de la kératine et découvre que la laine de mouton et les plumes de volaille en sont également riche mais que leur extraction nécessite des produits chimiques extrêmement polluants. En effet, chaque procédé requiert environ 10 000 litres d’acide chlorhydrique.
Un chimiste tombé du ciel
En octobre 2021, HKVOR intègre le Genopole d’Évry, spécialisé en biotechnologies. Olivier Defrance commence ses essais en laboratoire avec ses propres déchets de soins, mais constate vite que ses compétences en chimie sont limitées. Après deux collaborations sans suite, un chimiste tunisien, Bechr Hamrita, spécialiste de la kératine, le contacte, très intéressé par le projet. Sa mission, et non des moindres : trouver un procédé d’extraction 100 % naturel.
Sandrine Pedragosa-Moreau, chimiste de formation et spécialiste en communication scientifique, rejoint également l’équipe qui décide de se tourner vers la laine de mouton et les cheveux, dont les volumes permettront de répondre aux futures commandes. En 2024, la formule est au point. Comment font-ils ? Pour l’instant, top secret… en attendant la validation du brevet.
La Technopole en rampe de lancement
Mais avant cela, une étape clé : l’arrivée à la Technopole d’Orléans, qui a permis à HKVOR d’ouvrir de nombreuses portes. La BPI, Initiative Loiret, le Lab’O et le pôle économique régional ont tous soutenu le projet.
« Si le Genopole d’Évry a été un tremplin scientifique, l’écosystème orléanais a été la rampe de lancement pour la création, le financement et la structuration du projet. Ils m’ont toujours mis en contact avec les bonnes personnes », souligne le dirigeant.
Biostimulants agricoles, cosmétique et compléments alimentaires
HKVOR a pour objectif de proposer une kératine issue de la laine de mouton aux secteurs de la nutricosmétique, des compléments alimentaires et de l’agriculture, qui utilisent actuellement de la kératine extraite chimiquement. L’entreprise tient par ailleurs à s’approvisionner auprès d’éleveurs français.
Deux produits sont déjà en cours de lancement : un ingrédient liquide pour fabriquer des biostimulants destinés à protéger les cultures contre le manque d’eau et les périodes de sécheresse, et un ingrédient en poudre utilisé dans les gélules de compléments alimentaires favorisant la croissance et la fortification des cheveux et des ongles. Ces deux formules sont en phase de développement industriel pour une mise sur le marché prévue en 2026, afin de répondre aux premières commandes déjà signées.
Un espoir pour les diabétiques ?
Quant à la kératine issue des cheveux, elle pourrait trouver un débouché dans les dispositifs médicaux, en particulier les pansements, puisqu’elle accélère la cicatrisation des plaies. Un futur challenge pour HKVOR, et un espoir pour les diabétiques. « Si nous pouvions aussi trouver un moyen d’aider à la cicatrisation des pieds diabétiques, cela constituerait un tournant médical historique », espère Olivier Defrance.
✍️ Laurence Boléat
📸 Nata Shilo
