Film « La French » : entrevue

Publiée le

Entrevue à l'occasion de la venue à Orléans du réalisateur Cédric Jimenez et de son comédien Gilles Lellouche, pour promouvoir « La French »

Sorties - Loisirs - Tourisme

Film « La French » : entrevue

La venue du réalisateur et de son comédien est l’occasion de se plonger dans la psychée d’un acteur venu «braquer» le cinéma Pathé Orléans, avec sourire, décontraction et sincérité !

En vous voyant en pleine promotion, on a l’impression que c’est un long-métrage facile à défendre pour vous.

Gilles Lellouche : C’est un film que j’aime vraiment, vraiment beaucoup… D’une ambition rare aujourd’hui en France. L’histoire est formidable, l’écriture aussi, tout comme le casting - et là je ne parle pas de moi bien évidemment (rires) ! Il y a 100 rôles, tous les acteurs se donnent à fond. J’ai l’impression de ne pas avoir vu cela depuis des années, un film français avec autant de souffle, épique, à la fois populaire et de qualité. Avec une exigence d’auteur. Voilà, je trouve que c’est du grand cinéma et qu’on ne prend pas les gens pour des imbéciles.

Connaissiez-vous l’histoire de cette French Connection marseillaise ?

Je connaissais l’histoire du Juge Michel, mais pas plus que cela, et mon personnage, Gaëtan Zampa, lui je ne le connaissais pas du tout. Cela a été extraordinaire de se plonger dans l’histoire de ces deux hommes d’une trempe qui aujourd’hui n’existe plus. Ils vont au bout du bout…, ils ne se contentent pas du médiocre, du banal. Ils veulent toujours plus, encore, dans une quête irraisonnable, une soif d’aller au bout d’eux-mêmes. Le Juge Michel est un héros contemporain, dans le sens noble du terme, avec des convictions de justice, d’équité, de loi. Des hommes comme cela, qui placent le collectif avant le bien individuel, on en manque cruellement de nos jours.

Même si votre personnage est le « méchant de l’histoire », on ne peut s’empêcher d’éprouver de l’attachement à son égard.

C’est ce qui m’a fait partir tout de suite sur ce script : l’écriture des personnages. On a la face visible de l’iceberg, avec le gangster du cinéma classique et ces scènes de violence, de domination sur les autres. Et d’un autre côté, on regarde par le trou de la serrure et on voit un homme, avec sa femme, ses enfants, ses amis, qu’il protège, avec sa fidélité, sa douleur quand ses proches partent. On se retrouve dans une écriture à hauteur d’homme, pas fantasmée mais assez juste je trouve. Effectivement, il y a une forme de compassion qui intervient sur ce personnage.

Gilles Lellouche

Comment vous êtes-vous préparé à incarner un gangster marseillais des années 70 ?

J’ai mis beaucoup de temps à lire le scénario car j’avais peur du film de gangsters à moustaches et vestes en cuir. Car je l’avais trop fait et j’en avais trop vu. J’avais peur d’un énième polar viril. Quand j’ai lu le script, j’ai été tellement impressionné que ça en soit à des années lumières. Il y a une touche féminine bluffante dans ce film, avec les femmes de nos personnages, leurs garde-fous, interprétés par les Céline Salette et Mélanie Doutey. Et on retrouve une féminité, une modernité dans les personnages masculins, avec ces gangsters qui peuvent pleurer.

Pour me prépare au rôle, j’ai lu le livre qui existe sur Zampa, mais j’ai surtout eu la chance de rencontrer sa femme et ses enfants, des proches, des amis, des magistrats, des flics. Cela m’a beaucoup aidé à construire le personnage. Je pense que c’est un type qui cherchait à être autre chose que cela, à avoir une autre étiquette sociale, pour qui les apparences étaient très importantes. Les gens l’aimaient, il était chaleureux, charmant, sympathique, de bonne compagnie. Et paradoxalement, il y a la face sombre, la schizophrénie du type qui intervient à un moment, où il est capable d’une rare violence. Mais cela c’était une autre vie, en parallèle, sa femme, ses enfants, n’étaient pas au courant.

C’est votre troisième film avec Jean Dujardin, après « Les infidèles » et « Les petits mouchoirs », un vrai duo d’inséparables !

C’est vrai, mais à chaque fois, on n’a pas beaucoup de scènes ensemble (rires). Durant le tournage de « La French », on vivait dans la même maison. Pour vous dire à quel point on est complètement schizo, on joue les pires ennemis dans le film et le soir on se racontait nos vies, dans la même baraque !

Par contre, ce tournage a été très étonnant pour nous. On est vraiment très potes dans la vie, mais aucun des deux ne savait ce que l’autre faisait. Jean partait tourner le matin, moi l’après-midi, on se croisait plus qu’on ne se voyait. Le tournage avançait, moi je sentais que j’étais vraiment dans mon truc, lui était hyper impliqué aussi. On s’y jetait corps et âmes. Le jour du tournage de notre scène commune, du face à face de nos personnages, moment étrange et génial à la fois ! D’habitude on boit des cafés, on fume des clopes ensemble, et là on ne s’est pas fait maquiller dans la même loge, on s’est ignoré, quand on se regardait c’était des regards noirs. On était dedans, et cela a duré plusieurs jours. On n’était pas potes du tout, chacun d’un côté du plateau, et il ne fallait pas me parler de lui. On l’a tournée un mardi cette scène, et on est redescendu le vendredi soir en allant boire des coups.

Gilles Lellouche

Quand chacun a découvert les scènes de l’autre, le montage final, quelles ont été vos réactions ?

Justement c’est incroyable, on fait le même film mais on ne sait pas ce que l’autre est en train de faire. Je me souviendrai toujours de cet instant. Je l’aime vraiment ce film, j’en suis très fier, on a vécu un tournage formidable, un état de grâce, avec Cédric qui est un réalisateur hors-pair, alors que c’est seulement son deuxième long-métrage.

Donc forcément au moment du visionnage, je n’avais pas envie d’être déçu. Jean voyait le film à 10h à Gaumont, moi à 13h. Quand je suis arrivé, j’ai vu son sourire magnifique. Je me suis dit « c’est bon, ça doit être un grand film ! ». Jean est retourné le voir, assis derrière moi... Quand le générique a été terminé, j’ai tendu la main, il a tapé dedans. Le réalisateur est arrivé, on s’est pris tous les trois dans les bras, les larmes aux yeux… Parce-que c’était raccord avec ce qu’on avait vécu, ce qu’on avait envie de faire. Parce qu’on a de la chance d’être dans un tel film... J’ai une chance inouïe, je suis très très heureux.

Vous êtes très proche d’acteurs comme Jean Dujardin, Guillaume Canet, Marion Cotillard... L’amitié est une valeur fondamentale pour vous ?

Je marche beaucoup au collectif, je trouve que tout seul on ne fait rien. Et ne pas être dans le partage, cela n’a aucun intérêt. Le métier d’acteur est très dur, très solitaire, il faut être copain avec soit-même, car on se prend beaucoup de critiques, l’amour des gens est très fluctuant. Alors, c’est vrai que d’avoir des amis qui vivent la même chose est très important. En plus, il s’avère qu’avec Jean, on a le même humour de gamin, les mêmes goûts, les mêmes envies de cinoche, c’est stimulant du coup. Avec Guillaume, c’est encore autre chose, on est sur un autre créneau, c’est un ami de très longue date. Donc oui ce sont des gens qui sont très importants dans ma vie, qui comptent.

Quel est votre avis sur le cinéma français aujourd’hui ? Jean Dujardin a dit lors de la promotion de « La French » : « Le cinéma français a de la gueule, il est créatif ».

Je trouve aussi qu’il est créatif. Il y a plein de genres, de styles, de nouveaux réalisateurs qui arrivent, de films qui se font avec des économies très modestes et qui pourtant sont de haute qualité, comme dernièrement « Hippocrate ». Mais le cinéma français est un peu en crise en ce moment, ça ne se passe pas très bien. De moins en moins de films se financent, se montent, il faut donc que l’on fasse attention, que l’on ne tape pas sur le cinéma français mais que l’on soit au contraire un peu plus tendre avec lui. Et surtout, que les gros budgets n’aillent pas forcément aux comédies crétines tournées à l’étranger. Il faut être vigilant car en Italie, le cinéma va mal, en Espagne, je n’en parle même pas, on pourrait bientôt être sur la même voie quand les chaînes de télé n’auront plus l’obligation de financer les films.

Quels sont vos projets à venir ?

En février, je vais peut-être tourner un film en Sibérie, pendant dix semaines. C’est l’adaptation d’un roman de Sylvain Tesson. Mais encore une fois, c’est un petit film qui a du mal à se monter, alors que l’histoire est sublime. Je compte réaliser mon second film prochainement et pourquoi pas aller au théâtre, comme mon frère. Et sinon, je viens d’apprendre que je suis engagé sur une série américaine, sur la chaîne NBC, la saison prochaine. Le premier rôle d’une grosse série US qui s’appellera « Journey ». J’ai passé les essais et deux jours après je recevais un coup de fil disant que j’étais engagé… Incroyable !

Sortie sur les écrans de « La French », le 3 décembre

Bande Annonce

Propos recueillis par Emilie Cuchet

Captation vidéo, Mélanie Potau

Gilles Lellouche

<iframe src="http://www.youtube.com/embed/h399cXnCsJk" frameborder="0" height="390" width="580"></iframe>